Œuvrer à la convergence....
De partout, monte la colère des travailleurs victimes des fermetures d’usine, des licenciements, du chômage partiel, des bas salaires, de la dégradation des conditions de travail…
A côté des travailleurs de Caterpillar, Continental, Toyota, Lear, ce sont aussi les électriciens et les gaziers qui se mobilisent pour les salaires, les postiers contre les suppressions de postes et la dégradation du service public. Le 28 avril, à Paris, le personnel hospitalier sera en grève et dans la rue. Depuis onze semaines, les enseignants des universités et les chercheurs sont en lutte. La contestation s’exprime dans l’ensemble de l’éducation nationale, « de la maternelle à l’université »…
En réponse, le gouvernement et le patronat multiplient les agressions, les actions en justice, les menaces pour faire taire. Fillon a qualifié les séquestrations de patrons ou les coupures de courant par les électriciens de « sabotage ». Quel cynisme !
Des saboteurs, les salariés d’EDF et de GDF qui réclament leur dû alors que leurs directions viennent de distribuer plus de 9 milliards de dividendes ? Fillon et les patrons d’EDF et de GDF invoquent « l’esprit de service public ». Quel culot de la part de ceux qui l’ont privatisé et démantelé.
« Entrave à la liberté de travailler », voilà le chef d’accusation sous le coup duquel se retrouvent dix-neuf travailleurs de Caterpillar. Mais qui empêche qui de travailler ? Ceux qui licencient ou ceux qui se battent pour garder leur emploi ? Les saboteurs sont ceux qui ferment les usines, licencient, démantèlent les services publics pour pouvoir sauvegarder les profits des financiers et des patrons.
Dans le privé comme dans le public, grandit la conscience de la nécessité de généraliser les luttes pour mettre un coup d’arrêt au sabotage de la société par le patronat et le gouvernement. Oeuvrer au succès des manifestations du 1er mai pour en faire une démonstration de force et de détermination, c’est, dès maintenant, préparer la suite pour, tous ensemble, faire reculer les saboteurs.
NPA
mardi 21 avril 2009
Besancenot appelle à une « marche nationale » des salariés licenciés
VILLEMUR-SUR-TARN (Haute-Garonne), 22 avr 2009 (AFP) - Olivier Besancenot (NPA) a appelé jeudi devant les employés de la société Molex Automotive SARL à Villemur-sur-Tarn (Haute-Garonne) à « une marche nationale sur Paris, en mai, de tous les salariés licenciés ».
« Il faut organiser au mois de mai une marche nationale sur Paris pour que soient abordés les vrais problèmes et les vraies solutions », a lancé Olivier Besancenot devant des dizaines de salariés de Molex, manifestant contre la fermeture annoncée de leur entreprise. Parlant aux salariés devant un cercueil géant symbolisant la mort de Molex, le leader a souhaité que cette marche, où seraient « en tête les salariés de Molex, de Continental, de Caterpillar..., permettrait de montrer le visage de tous ceux qui résistent ». « Nous avons proposé un rassemblement unitaire des forces syndicales et politiques, au lieu de défiler les uns après les autres », a-t-il dit, précisant que cette marche pourrait se tenir à une autre date que le 1er mai.
De son côté, le Parti ouvrier indépendant (POI) s’est prononcé, dans un communiqué de sa fédération de Haute-Garonne, pour « une marche unie sur Paris », affirmant « nécessaire », « urgent », une « unité pour interdire les licenciements (...), une unité contre les fermetures d’usines ».
Interrogé sur sa position face à la séquestration en début de semaine, pendant 24 heures, de deux des dirigeants de la société Molex dans leurs bureaux de Villemur-sur-Tarn, Olivier Besancenot a déclaré à l’AFP : « Je soutiens les salariés dans toute forme d’action, ne comptez pas sur moi pour les désapprouver ».
Un salarié de Molex, Jean-François Porté, s’est réjoui pour sa part du soutien du responsable du NPA, et a souhaité que son entreprise, au lieu de fermer, devienne « un pôle européen de connectique ». « Molex ne veut plus de nous, nous, on ne veut plus de Molex. Mais on a un savoir-faire, alors pourquoi ne pas créer à Villemur un centre européen de la connectique, pour l’industrie automobile, comme à l’heure actuelle, mais aussi pour le ferroviaire et l’aéronautique ? », a-t-il demandé.
gcv/dbe/fm
Sarkozy–Fillon : un discours de guerre sociale
Déclaration Olivier Besancenot
Contre les fermetures de sites et suppression d’emplois, contre les licenciements annoncés, le climat social se tend et les luttes des salariés se radicalisent, comme à Continental ou à Molex.
Face à cette situation, François Fillon - tout en disant comprendre le « désespoir des salariés » - a condamné fermement, ce matin à la radio, les différentes initiatives de riposte- en particulier celle des salariés de
Continental - en les faisant passer pour des actions menées par une « minorité », louant au passage le rôle de « médiateur » des appareils syndicaux.
Plus généralement, le pouvoir utilise un véritable vocabulaire de guerre sociale, dénonçant les moyens d’action que choisissent les salariés en colère comme autant de « prises d’otages » ou de « sabotages »
Une fois de plus, ces déclarations hypocrites qui visent à justifier la répression font mine de ne pas voir que la vraie violence est celle exercée par le patronat et le gouvernement contre les salariés qui l’on veut faire payer l’addition d’une crise dont ils ne sont en rien responsables.
Menacés par la politique patronale, les salariés ont raison de s’y opposer avec les moyens dont ils disposent. Leurs actions ne sont pas seulement compréhensibles : elles sont légitimes et méritent le soutien de l’ensemble du monde du travail. En particulier, le NPA apporte tout son soutien aux salariés de Continental qui vont manifester à Hanovre devant l’assemblée générale des actionnaires.
Face aux suppressions d’emplois en cascade, il est plus que jamais nécessaire que soit apporté un soutien unitaire, le plus large possible, à ces luttes, d’aider à leur convergence et à ce qu’elles puissent déboucher sur une grève général, seule à même de faire reculer le patronat et le gouvernement qui le soutient.
Montreuil, le 22 avril 2009
Le NPA, accusé d’« attiser la violence », mène la « lutte » dans les entreprises
PARIS, 25 avr 2009 (AFP) - Accusé par l’UMP d’« attiser la violence », le NPA d’Olivier Besancenot, qui légitime les actions de salariés « menacés par la politique patronale », mène la « lutte » aux portes et à l’intérieur des entreprises.
Alors que les syndicats cherchent des débouchés aux mouvements de colère des salariés, le secrétaire général de l’UMP Xavier Bertrand voit dans leur radicalisation (séquestrations, saccage de la sous-préfecture de Compiègne) « l’action de certains manipulateurs d’extrême gauche » qui « n’ont qu’une seule volonté, attiser la violence ».
Jeudi devant les employés de Molex à Villemur-sur-Tarn (Haute-Garonne) où des dirigeants ont été séquestrés, M. Besancenot qui dénonce le « vocabulaire de guerre sociale » du gouvernement, a appelé à « une marche nationale sur Paris, en mai, de tous les salariés licenciés » dont les actions sont « légitimes » car ils sont « menacés par la politique patronale ». Ces dernières semaines, le facteur de Neuilly, désireux de reproduire le mouvement de grève générale de Guadeloupe en métropole, a également visité les « salariés en lutte » de Fulmen-Exide à Auxerre et les ouvriers de Toyota à Valenciennes.
Des déplacements devant les entreprises également pratiqués par Lutte ouvrière, le PCF et plus récemment le Parti socialiste. Avec ou sans leur populaire chef de file, les militants NPA sont très présents aux portes et à l’intérieur des entreprises. « Il est naturel que l’extrême gauche intervienne dans les entreprises, puisqu’elles constituent son terrain de prédilection », a déclaré à l’AFP Christophe Bourseiller, spécialiste de l’extrême gauche, relevant que le NPA est « surtout implanté dans les entreprises publiques » (Poste, SNCF, etc.). « Depuis 2002, les nouveaux adhérents changent les caractéristiques de la population militante » de la LCR, puis du NPA avec une « augmentation forte des employés », « plus légère » d’ouvriers et « très significative des salariés du secteur privé », note Florence Johsua, doctorante au Cevipof. « Cela se traduit par une évolution des interventions du parti dans les entreprises » notamment privées, profitant d’une implantion « dans des zones où la LCR n’existait pas », poursuit-elle, interrogée par l’AFP.
La Commission nationale ouvrière (CNO) qui était « en sommeil » à la LCR a ainsi été réactivée. Devenue avec le NPA « Commission d’intervention sur les lieux de travail » (CILT), elle mène un « travail de fond » avec la « volonté d’apparaître beaucoup plus régulièrement » dans les entreprises. C’est devenu « une activité assez prioritaire » au NPA dont les actions vont « plutôt dans le sens d’une radicalisation et des aspirations de ce qui s’exprime à la base », explique-t-elle.
« On fait notre travail élémentaire qui est d’être totalement du côté des salariés qui luttent », répond Alain Krivine, figure historique de l’ex-LCR, jugeant que « ceux qui allument le feu, c’est Nicolas Sarkozy et Laurence Parisot » (présidente du Medef, ndlr). « S’il y avait tellement de militants d’extrême-gauche dans toutes les boîtes, en ce moment, il y aurait sans doute autre chose » et une « vraie convergence des luttes », renchérit Sandra Demarcq du NPA dont la « grosse majorité (des adhérents) est syndiquée à la CGT » mais aussi à la FSU et Sud. En mars, François Chérèque (CFDT) avait traité M. Besancenot et ses amis de « rapaces » qui « font le tour des entreprises en difficulté ».
Le NPA est « exactement dans son rôle de mouche du coche des syndicats modérés », juge M. Bourseiller.
jud/cgd/ds
Par Julie DUCOURAU
Climat social : l’extension de la révolte
Le climat social se tend et les luttes se radicalisent.
A la fin de la première semaine d’avril, alors que les salariés de Sony, de 3M, de Caterpillar et de Scapa, qui vont être jetés à la rue parce que les patrons de ces groupes ont décidé de fermer leur usine, avaient déjà retenu pendant quelques heures plusieurs de leurs cadres, Sarkozy menaçait : « Je ne laisserai pas faire les choses comme ça. » La ministre de l’Enseignement supérieur, Valérie Pécresse, de son côté, parlant du mouvement des universités, condamnait « la violence, la séquestration des présidents et les menaces de boycott des jurys du bac ».
Mais les actions dans les universités mobilisées comme celles des salariés licenciés ou en chômage partiel n’ont pas cessé pour autant, faisant au contraire tache d’huile. Sur un des sites de Faurecia, une filiale du groupe automobile Peugeot qui prévoit de supprimer 1215 postes, trois cadres ont été retenus pendant plusieurs heures. Chez ArcelorMittal, les syndicats de l’usine de Florange (Moselle), dont le trust ferme les deux hauts-fourneaux pour une « durée indéterminée » ont décidé d’occuper le centre d’aiguillage. A Valenciennes, où une grève avait débuté à Toyota le 6 avril pour le paiement à 100 % du chômage partiel, les salariés ont bloqué les accès de l’usine. Comme également ceux de Caterpillar à Grenoble et à Echirolles.
Et voilà que, grâce à leur détermination, les salariés d’ERDF-GRDF, dont la grève était ignorée d’une façon scandaleuse par les médias, ont réussi à percer le mur du silence. Fillon et Hortefeux ont violemment attaqué les grévistes et les « coupures sauvages » cyniquement taxées de « sabotages » par ceux qui n’ont eu de cesse de saboter le service public et de choyer les actionnaires des grands groupes responsables de la crise et des licenciements. Or les grévistes gaziers et électriciens n’effectuent pas des coupures au hasard, mais ciblent les immeubles administratifs, les centres commerciaux ou les zones industrielles. Mieux, ils ont dans certains endroits réalimenté des logements privés d’électricité pour facture impayée ou fait passer certains quartiers en tarif heures creuses, comme à Morlaix. De quoi faire se retourner les calomnies des ministres contre le gouvernement, ce qui, nous l’espérons, ne manquera pas d’arriver.
Ce qui inquiète le gouvernement, comme aussi les dirigeants du PS ou Bayrou qui ont condamné la « violence » tout en disant comprendre le « désespoir » des salariés, c’est que ces actions, ces occupations ou blocages d’usines, la grève des gaziers et des électriciens, sortent des cadres institutionnels à l’intérieur desquels ils voudraient les voir rester, sous le contrôle de la direction des appareils syndicaux. C’est là d’ailleurs, pour les classes dirigeantes, le revers de la passivité des directions syndicales. Les salariés, qui en ont assez des journées d’action sans lendemain, prennent des initiatives par eux-mêmes et s’organisent. Et ce n’est pas un hasard si l’éditorial du Figaro du 9 avril exprimait de la hargne contre le LKP en Guadeloupe ou la coordination nationale des universités, « collectifs d’individus qui parviennent à imposer leurs diktats au plus grand nombre. » Car, pour tous ces gens-là, contester la liberté de nuire de la minorité richissime qui décide du sort de millions de salariés, cela ne peut être que manipulation et dictature.
Face aux menaces du patronat et du pouvoir, il est plus que jamais nécessaire que soit apporté un soutien unitaire, le plus large possible, à ces luttes, d’aider à leur convergence et à ce qu’elles puissent déboucher sur une grève générale.
Galia Trépère
* Paru dans « Tout est à nous » n° 5 du 23 avril avril 2009.
EDF-GDF-SUEZ : des salariés montrent la voie
Alors que les luttes, sans attendre la journée interprofessionnelle du 1er Mai, se multiplient, les salariés d’EDF et de GDF-Suez ont entamé un véritable bras de fer avec leurs directions sur la question des salaires.
Il faut remonter très loin en arrière pour se souvenir d’un tel mouvement à EDF-GDF-Suez, et encore, celui-là est, à bien des égards, inédit. Dans un secteur où, traditionnellement, les fédérations syndicales donnent le « la » de mouvements particulièrement cadrés, le plus souvent sous la forme de grèves de 24 heures, c’est, cette fois, à la base des entreprises que la révolte a sonné, sous la forme d’une grève reconductible.
C’est une révolte profonde contre l’entreprise néolibérale imposée à tous depuis des années, malgré l’opposition de l’écrasante majorité des salariés. Elle marque la fin de l’abattement, voire de la résignation devant le rouleau compresseur de la privatisation. Et cette révolte est partagée par tous les secteurs des industries électriques et gazières. Avec, partout, le même rejet des pratiques d’individualisation des salaires et d’accroissement des inégalités, d’éclatement des collectifs de travail, de fixation d’objectifs délirants et bureaucratiques, de la perte de sens au travail liée à l’abandon des valeurs de service public et au chaos engendré par l’éclatement de l’entreprise en filiales et sous-filiales.
Ce rejet de la politique d’EDF et de GDF-Suez s’exprime aujourd’hui par les revendications suivantes : augmentations salariales pour rattraper les pertes de pouvoir d’achat, arrêt de l’externalisation des activités (sous-traitance), plans d’embauches. Rappelons que ces entreprises ont réalisé des bénéfices substantiels, très largement reversés aux actionnaires et à leurs dirigeants.
Les jeunes sont sortis de la torpeur les premiers. Ils n’ont pas été désemparés par la perte du service public qu’ils ont peu connu mais ils ont, en revanche, bien compris que leur avenir s’assombrissait. En particulier à cause de l’externalisation des métiers pour lesquels ils ont été embauchés. Se retrouver à laver les voitures bleues avec des salaires proches du Smic au lieu d’intervenir auprès de la clientèle, il n’y a là rien de passionnant.
Avec l’aide d’équipes syndicales déterminées, ils ont poussé aux initiatives les plus dynamiques. Ils sont parfois entrés spontanément en grève reconductible, entraînant les autres salariés dans les assemblées générales et se retrouvant à la tête du mouvement dans leurs agences. Ils ont redonné la pêche aux plus anciens. Cela s’est traduit, partout, par la recherche permanente de l’efficacité dans la construction du rapport de forces. Agir avec sérénité et détermination en intervenant de façon très ciblée sur l’outil de travail, en vidant des sites bloqués les huissiers aux ordres de l’encadrement, en n’oubliant pas de faire participer des secteurs particulièrement muselés par le management (comme les plateaux téléphoniques), en organisant l’entraide entre métiers afin de rendre efficace la grève. En organisant des rencontres avec d’autres secteurs en lutte, comme les salariés de Valeo ou les étudiants.
Les électriciens et gaziers ont engagé une véritable contre-offensive sociale : il ne s’agit plus de se défendre au coup par coup contre des mesures régressives, ils veulent maintenant regagner du terrain, inverser la tendance. Leur grève, par sa ténacité, ses actions et ses pratiques, dépasse largement les stratégies des appareils syndicaux. Elle montre la voie d’une offensive générale de l’ensemble des salariés. Face à toutes les tentatives d’intimidation du patronat de la branche et du gouvernement contre cette grève, c’est l’ensemble du mouvement ouvrier qui doit se lever.
Branche énergie du NPA
« Séquestrations : la main de l’extrême gauche »
Le Figaro du 23 avril
Note : le Figaro est un journal politiquement positionné à droite, ce qui se reflète dans le titre même de cet article qui veut expliquer les luttes sociales radicales par... « la main de l’extrême gauche ».
Les syndicats traditionnels sont de plus en plus souvent débordés par des militants venus des milieux trotskistes et anarchistes. Qui se cache derrière les meneurs des grèves et les salariés qui séquestrent les patrons ? Agissent-ils seuls, poussés par le désespoir de voir une vie de travail partir en fumée ? Ou sont-ils instrumentalisés pour engendrer le chaos ?
Nombre d’observateurs estiment que ces débordements volontairement médiatisés portent la signature de l’extrême gauche. Qu’il s’agisse du Nouveau Parti anticapitaliste (NPA), de Lutte ouvrière (LO) ou de groupuscules anarchistes.
« C’est un secret de polichinelle que de dire que les meneurs de la fronde des Continental à Clairoix sont encartés chez LO », dénonce un dirigeant de la CFDT. « Les militants du NPA sont partout où il y a de la misère et la peur de l’avenir, abonde un autre de la CGT. Ils jouent sur les craintes des gens, comblent un vide politique ou syndical, et soutiennent tous ceux qui sont en lutte. Dès qu’il y a deux grévistes dans une entreprise, ils débarquent. »
À la sous-direction de l’information générale (ex-RG), les notes affluent en provenance des départements sur l’évolution des différents conflits sociaux et les actions envisagées par les acteurs les plus déterminés. Le risque d’embrasement sur les sites est évoqué depuis longtemps dans les analyses reçues à Paris. Tout comme les ex-RG avaient mis en garde contre de possibles dérapages outre-mer, et notamment en Guadeloupe. Un commissaire de police très au fait des questions sociales est formel : « Les salariés qui dégradent leurs usines et qui intimident leur hiérarchie cèdent évidemment à une sorte d’emballement collectif. » Selon lui, « les images de séquestrations de patrons qui tournent en boucle à la télé ont pour effet de banaliser cette pratique ». L’un de ses collègues de province ajoute : « Il est difficile d’apporter la preuve irréfutable que des organisations subversives sont à l’origine du durcissement des mouvements engagés. Mais ce qui est certain, c’est que des agitateurs de tout poil tentent de profiter du climat et s’activent en coulisse, dans les milieux de la gauche trotskiste notamment. » Il n’est d’ailleurs « pas anodin, poursuit-il, que les sites où la situation se radicalise le plus, ces derniers jours, se trouvent dans des villes comme Grenoble ou Toulouse, où l’extrême gauche dispose de nombreux relais ».
Après le saccage de la sous-préfecture de Compiègne mardi par des salariés de l’usine Continental de Clairoix (Oise), la ministre de l’Intérieur, Michèle Alliot-Marie, a fermement rappelé que « de tels agissements ne sauraient être tolérés » et que tout serait « mis en œuvre pour identifier les casseurs ». Les enquêtes judiciaires permettront peut-être de dire si, oui ou non, les jusqu’au-boutistes ont agi de leur propre initiative ou s’ils ont été instrumentalisés. À Compiègne ou ailleurs.
« Les militants dormants se réveillent »
Mais certains éléments ne trompent pas. Comme la maîtrise des outils de communication affichée par certains leaders sur le terrain, qui savent utiliser la presse pour faire passer leurs revendications, parfois violemment. « Tout cela est piloté de l’extérieur, assure Marcus Kerriou, cogérant de l’usine Molex de Villemur-sur-Tarn, séquestré il y a deux semaines pendant vingt-six heures avec son DRH, et qui évoque des « éléments radicaux ». Idem en Guadeloupe, où les meneurs de la fronde lors de la longue grève de ce début d’année étaient aidés. « C’était très voyant, raconte aujourd’hui un proche de Willy Angel, le président du Medef Guadeloupe. Ils étaient briefés par les militants d’extrême gauche ou indépendantistes pour se positionner sur une estrade, préparer leur plan de communication et définir la stratégie de débordement. »
Une stratégie tellement payante outre-mer qu’Olivier Besancenot - qui s’est rendu en Guadeloupe lors du conflit de février - souhaite l’importer en métropole, où le noyautage des syndicats traditionnels est pourtant déjà une vieille tradition. « Les centrales territoriales sont très infiltrées, assure ainsi un représentant patronal. Il y a de l’entrisme actuellement dans les syndicats d’extrême gauche qui tentent de radicaliser les mouvements. » Ce que confirme un cadre de la CGT. « Ils nous collent sur le terrain dans tous les conflits, reconnaît-il. Ils essayent de peser sur ce qu’on dit et ce qu’on fait. » Il est d’ailleurs de plus en plus fréquent de retrouver des tracts du NPA ou de LO - vantant la lutte des classes et appelant à la révolte - traîner à la sortie des entreprises, et même à l’intérieur.
Une situation qui a poussé la CGT à confier à un ancien responsable de la CGT-transport, Alain Renault, la mission de suivre le développement du NPA dans ses rangs. « On sait très bien où ils se trouvent : dans quelles fédérations, dans quels territoires, dans quelles entreprises », avoue-t-il. Les sections départementales CGT de Seine-Maritime, du Pas-de-Calais ou des Bouches-du-Rhône seraient ainsi présidées par des militants d’extrême gauche. Tout comme les fédérations de la chimie, de quelques branches de la fonction publique, ou encore les sections d’Orly-Sud ou de la SNCM. « Le NPA a besoin d’une assise dans les organisations de masse, comme à la CGT, pour se développer », justifie un syndicaliste cégétiste.
La centrale dirigée par Bernard Thibault n’est pas le seul syndicat à faire les frais aujourd’hui de cette stratégie. FO, de culture trotskiste et dont certains dirigeants lambertistes militent au Parti des travailleurs, ainsi que la CFTC sont également touchées. « Les militants dormants se réveillent en ce moment », avoue un patron. La CFDT en revanche, se veut sereine. « On s’en est débarrassé il y a plusieurs années », ironise l’un de ses responsables.
Il n’y a qu’un seul syndicat où l’extrême gauche n’a pas besoin de faire d’entrisme pour influencer les décisions. Il s’agit de la galaxie des centrales SUD, regroupées sous la bannière Solidaires. Olivier Besancenot n’a-t-il d’ailleurs pas sa carte à SUD-PTT ? « Ils sont de tous les combats des sans : sans-papiers, sans-logement, sans-emploi…, fait remarquer un responsable FO. Ils ont la même conception de la lutte des classes et de la nécessité d’instaurer un rapport de forces pour parvenir à leurs fins. »
Des directions dépassées
Une révolution encouragée par les discours bienveillants des leaders politiques de gauche qui, tout en condamnant la violence, avouent « comprendre » les débordements, et les jugent même « légitimes » pour certains . Et qui profite des « erreurs de communication » de quelques directions d’usine. Celles de Continental à Clairoix ou de Caterpillar à Grenoble reconnaissent en avoir commis. La direction de Clairoix a ainsi démenti énergiquement pendant plus d’une semaine les rumeurs de fermeture du site. Les représentants syndicaux ont adhéré à son discours. Lorsque la décision a finalement été confirmée, la direction et les syndicats, décrédibilisés, ont perdu la confiance des salariés. Laissant le champ libre aux « ultras », mais aussi à des salariés sans engagement politique, révoltés d’avoir été bernés : deux ans auparavant, ils avaient accepté une augmentation de leur temps de travail afin de « pérenniser leurs emplois ». Les politiques de tout bord se sont engouffrés dans la brèche pour dénoncer la « trahison ».
À Grenoble, les circonstances sont différentes. Début janvier, les négociations entre l’intersyndicale et la direction avaient pourtant débuté aussi sereinement que possible dans de telles circonstances. « Le tournant a été pris le 2 mars, tandis que 100 à 200 salariés (sur 2 700) au chômage partiel, et non pas en grève, manifestaient dans l’usine. Un groupe d’anarcho-libertaires est venu les rejoindre. Les syndicats ont perdu le contrôle de ce petit groupe », relate un salarié. D’occupation d’usine en séquestration de cadres, en trois semaines, la tension est montée. Nicolas Sarkozy lui-même s’est engagé à « sauver le site » et à rencontrer les salariés. Lesquels ont refusé de répondre à l’invitation de l’Élysée, exigeant une visite sur place du président. « L’ultragauche ne crée pas les opportunités, elle les utilise », estime un observateur local.
Olivier Besancenot en a encore apporté la preuve jeudi devant les salariés de la société Molex : le leader du NPA a appelé à une « marche nationale » de tous les salariés licenciés, au mois de mai. Une marche « sur Paris »…
Par Elsa Bembaron, Marc Landré et Jean-Marc Leclerc.
Communiqué de Myriam Martin, tête de liste dans le Sud Ouest
Une fois encore, un grand groupe capitaliste, Free Scale, utilise le prétexte de la crise pour fermer une usine, au nom du « maintien de la compétitivité » et donc jugée « insufisamment rentable » !
Près de 1700 salariés risquent donc de se retrouver sur le carreau. Cela est inacceptable surtout pour un groupe qui s’est gavé de fonds publics.
Pour le NPA, Il est plus que temps que les travailleurs de Free Scale comme ceux de Molex auprès de qui se sont rendus jeudi Olivier Besancenot et Myriam Martin, se coordonnent avec les salariés de Caterpillar, Continental etc... afin d’organiser une manifestation nationale contre le fléau des licenciements en exigeant leur interdiction.
Toulouse, le 23 avril 2009.