Edith regarde la foule de quelques centaines de grévistes devant l’usine : « Même moi, grande gueule très mal vue, j’aurais jamais cru, il y a quinze jours, que ça aurait été possible. ».
Sourire d’Arlette Laguiller à ses côtés. A sept semaines des élections européennes, la porte-parole de Lutte ouvrière est venue hier, en compagnie de son homologue du Nouveau Parti anticapitaliste, Olivier Besancenot, soutenir le mouvement à Onnaing, près de Valenciennes (Nord).
Devant le site, un feu de palettes et de pneus. Sur la pelouse, un barbecue géant. La grève, minoritaire parmi les ouvriers, dure depuis deux semaines, pour le paiement intégral des jours de chômage partiel. Sur une tribune improvisée, Arlette Laguiller, son parapluie plié à la main, à côté d’Olivier Besancenot dans sa polaire bleue de la Poste.
« Sectarisme ».
Toyota, c’est l’usine des Japonais, arrivée en 2000 pour faire baisser le chômage à Valenciennes, parrainée par Jean-Louis Borloo, alors maire de la ville, inaugurée par Lionel Jospin, à l’époque Premier ministre. L’usine modèle, la grande famille. Depuis, l’ambiance s’est lézardée. Les ouvriers parlent de pressions, de harcèlement. Le délégué CGT, Eric Pecqueur, est candidat LO aux européennes. C’est dans deux mois, personne n’en parle, tout le monde a le nez sur la grève, l’œil sur le portefeuille qui fond, à cran. Alors, Olivier Besancenot et Arlette Laguiller, c’est juste que « ça nous rebooste », explique Fabrice. Ici, le chômage partiel signifie pour certains la perte de l’équivalent d’un quart du salaire, alors que les plus bas revenus s’élèvent à 1200 euros.
La grève, suivie de 10 à 15 %, est partie quand un cadre a rapporté les propos du patron, Didier Leroy : « Plutôt crever que payer le chômage partiel à 100 %. » A la tribune, « Arlette » prend son souffle : « Je ne sais pas si vous parviendrez à faire reculer Toyota. Mais vous avez gagné le droit à la dignité. Vous avez vaincu la peur. » Nathalie Arthaud, la nouvelle porte-parole de Lutte ouvrière : « Ils ont un coffre-fort à la place du cœur, le seul langage qu’ils comprennent, c’est le rapport de force. » Et Besancenot ? « Il arrive, j’espère bien, souffle Matthieu, ouvrier, j’ai mis mon tee-shirt NPA. » Et voilà « Olivier ». Micro. Guillaume, 28 ans, filme avec portable. Il fait grève un quart du temps, en fin de poste. « Je n’ai pas les moyens, 650 euros de loyer, la moitié de mon salaire. Plus le crédit voiture, je n’ai que 200 à 300 euros par mois pour vivre. » Le leader du NPA lance : « S’il y a une grève à Toyota, c’est que les patrons ont du souci à se faire. » A propos du chômage partiel : « Ils ont les moyens de payer. Pour les dividendes des actionnaires, il y a toujours 30 % de marge opérationnelle, c’est sur ça qu’il faut prendre. » Puis il parle de sa rivale de LO, sans la citer : « Dans la merde dans laquelle on est, il n’y a plus de place pour le sectarisme et les querelles de chapelle. Il faut arrêter d’y aller chacun dans son coin. Que tout le monde pousse dans le même sens. » Il veut une « une marche » ou « une manif » des victimes de la crise. Un type raconte au téléphone : « Y’a la télé, Arlette Laguiller, tout ! » Besancenot conclut : « Plein de courage à vous, vous n’êtes plus tous seuls. »
« Moral ».
Devant la presse, le leader du NPA assure qu’il n’est pas là pour les élections européennes : « On est à la sortie des entreprises avant, pendant et après les élections ! » Et il n’est pas venu expliquer comment faire une grève. « Ah, non, j’ai fait grève soixante-trois jours dernièrement à la Poste, si quelqu’un était venu m’expliquer comment faire grève, j’aurais dit « écoute coco, tu vas faire un tour et tu repasses après ». »
Barbecue. Arlette Laguiller embrasse une ouvrière. Discute avec un ouvrier de Faurecia, qui fabrique les sièges de voiture pour Toyota et dont le site ferme. Un gars s’approche de Besancenot : « Olivier, je t’ai vu à la fête de l’Huma, mais t’étais occupé. » Matthieu aimerait bien aller lui parler mais il est « trop timide ». Fils de fonctionnaires, il est entré à l’usine à 19 ans, et travaille les bras en l’air. « A 22 ans, j’ai déjà mal. » Aux genoux, aux articulations des doigts, aux épaules. C’est sa première grève : « Je suis pas fier de faire ça. Mais je suis fier de me battre. On se crève à la tâche pour un salaire qui ne nous permet pas de vivre. » Et Besancenot ? « Ce n’est pas un politique comme les autres, il travaille, il ne paie pas l’ISF comme je ne sais qui. Je partage beaucoup de ses idées, pas toutes. Certaines sont utopiques… »
Yannick : « Ça redonne le moral. On se dit qu’on n’est pas tout seul. »
* Paru sur le site de Libération.fr – LibéLille – le vendredi 17 avril 2009.
Toyota : 9 jours de grève partielle à Onnaing (Nord), soutien de Besancenot
ONNAING (Nord), 16 avr 2009 (AFP) - Des ouvriers de l’usine Toyota à Onnaing (Nord), qui produit la Yaris, ont observé jeudi leur 9e jour de grève et voté sa reconduction après un rassemblement lors duquel ils ont reçu le soutien du leader du Nouveau parti anticapitaliste (NPA), Olivier Besancenot.
Les grévistes, à l’appel de la CGT et FO, réclament notamment le paiement à 100% du chômage partiel (contre 60% du brut actuellement) et le paiement des jours de grève. « On est toujours 400 en grève et la direction perd toujours 30% de production », a affirmé Eric Pecqueur, délégué CGT du site, qui indique que ce rassemblement, auquel assistaient également la porte-parole de Lutte Ouvrière Nathalie Arthaud, ainsi qu’Arlette Laguiller, a vu les grévistes reconduire leur mouvement pour vendredi.
Toyota Onnaing emploie 2.700 ouvriers et connaît avec cette grève un conflit d’une ampleur et d’une durée inédites. Des salariés d’autres sites industriels de la région, comme Sevelnord, MCA, Faurecia, Renault Douai, Peugeot Valenciennes ou Bombardier s’étaient également joints au rassemblement auquel ont participé plus de 400 personnes, selon Eric Pecqueur.
La direction observe pour sa part depuis le début de la semaine « une baisse significative » du nombre de grévistes, qu’elle estimait jeudi à moins de 200 (90 le matin, 83 l’après-midi), alors que le préjudice en terme de production s’élèverait selon elle à 20%. Le site d’Onnaing a connu des journées de chômage partiel, imposées depuis septembre par la direction sous l’effet conjugué de l’effondrement du marché automobile et de la grève des salariés de l’équipementier Faurecia à Auchel (Nord) en mars. La direction avait indiqué lors d’une réunion avec les syndicats la semaine dernière, qu’elle supprimait les deux jours de chômage partiel encore prévus et qu’il n’y en aurait pas d’autres d’ici septembre, ceci grâce à la reprise des commandes. La direction a également proposé d’étaler les retenues ou de les compenser par l’utilisation de la cinquième semaine de congés payés.
jeudi 16 avril 2009 ngu/epe/df
Olivier Besancenot rencontre les ouvriers de Toyota le 16 avril.
Communiqué du NPA
Les ouvriers de Toyota, à Valenciennes, sont en grève depuis le lundi 6 avril pour exiger le paiement à 100% des jours chômés, une prime de 1000 euros et l’augmentation des salaires.
Ils refusent de faire les frais de la crise et ils ont mille fois raison alors que l’entreprise cumule les bénéfices depuis des années.
Le NPA soutient totalement le mouvement de grève et les revendications des ouvriers de Toyota.
Olivier Besancenot sera présent sur l’entreprise, Parc d’activité de la vallée de l’Escaut, jeudi 16 avril, à partir de 13h30, pour apporter son soutien à leur lutte.
Le 15 avril 2009.
Toyota en grève : « Ouvriers révoltés, c’est pas à nous de payer ! »
« Plutôt crever que de payer les jours de chômage partiel à 100 % ! », voilà la phrase lancée par D. Leroy, PDG du site Toyota d’Onnaing, qui a mis le feu aux poudres.
Dans un contexte de plus en plus tendu avec la multiplication des jours chômés (une perte de 200 à 300 euros sur les payes), la demande faite par la direction de travailler gratuitement les vendredis d’avril et 3 samedis sans majoration a sonné comme une provocation supplémentaire. Assez pour déclencher la première grève que le site ait connue.
Depuis lundi 6 avril les travailleurs de Toyota sont en grève pour exiger le paiement à 100 % des jours de chômage imposés par la direction (contre 60 % du brut actuellement). A cette exigence initiale, les assemblées générales de grévistes ont rajouté le paiement des jours de grève, une prime immédiate de 1000 euros et une augmentation de 100 ou 200 euros nets mensuels.
L’entreprise d’Onnaing près de Valenciennes, qui agite l’épouvantail de la crise, a pourtant a largement les moyens de payer, elle qui a réalisé 80 millions de bénéfice en 2007, 82 millions en 2008 (soit plus de 25 000 euros de bénéfice extorqués à chaque salarié !). 311 grévistes actifs dans les ateliers lundi, 384 mardi, 452 mercredi et jeudi, la grève s’enracine, convainc les hésitants, entraîne de plus en plus d’ouvriers dans la lutte malgré les pressions et les intimidations de la direction.
Les manifestations sont quotidiennes. C’est aux cris de « Ouvriers révoltés, c’est pas à nous de payer ! », « Chômage partiel à 100 % ! » qu’ils défilent sous les fenêtres de la direction et dans l’usine. Le mouvement, soutenu par la CGT et FO, ne cesse de se renforcer, de s’organiser à la base avec la mise en place de comités de grève dans chaque équipe, comités comprenant 6 ouvriers-ères élus (en majorité des non-syndiqués), et l’édition quotidienne d’un « Journal de la Grève ». La participation importante des femmes à la grève est l’un des signes de la profondeur du mouvement.
Chaque jour, le mouvement se poursuit, se renforce et gagne en popularité. Déjà 600 ouvriers ont d’une manière ou d’une autre participé à tout ou partie du mouvement, en se mettant en grève la journée complète ou 1 quart ou 2. C’est déjà une victoire morale pour tous les salariés de l’entreprise en butte au mépris, au harcèlement et aux brimades quotidiennes de l’encadrement. L’un d’entre eux clamait très justement ce vendredi : « C’est la première fois que je suis fier de bosser à Toyota ! ». Reste l’étape suivante, à savoir que cette grève « devienne un mouvement de toute l’industrie automobile du pays » car, comme l’ajoute Eric Pecqueur, délégué CGT de Toyota, « C’est pas parce qu’on n’a pas les mêmes patrons qu’on n’a pas les mêmes intérêts ».
La solidarité s’organise. Vendredi 10 avril, ils étaient près de 500 (soit 1 salarié sur 5) à se rassembler devant l’usine pour faire entendre leur voix. Des travailleurs d’autres entreprises de l’automobile du secteur (Sevelnord, MCA, Simoldès, Mercedes, UMV, Faurecia…) mais aussi d’autres entreprises de la métallurgie, des travailleurs Belges de la FGTB, des enseignants, des cheminots et des militants du Collectif de lutte du Valenciennois étaient présents pour les soutenir.
L’écho qu’elle rencontre, notamment auprès des milliers de salariés des autres sites automobile du Valenciennois, montre que la grève des ouvriers de Toyota peut être contagieuse.
* Mis en ligne sur le site du NPA, dimanche 12 avril 2009.