Le Vatican essaie d’atténuer les propos de Benoît XVI sur le sida
Yaoundé, envoyée spéciale
Ine déclaration. Une polémique. Des explications. Une correction. La communication du Vatican semble vouée à devenir un contre-modèle du genre. Tout avait pourtant été prévu pour que, lors du voyage de Benoît XVI en Afrique, cet enchaînement ne se produise pas.
Echaudé par la controverse qu’avaient provoquée les propos du pape sur l’avortement et la théologie de la libération, durant une conférence de presse lors de l’un de ses premiers grands voyages, en 2007 au Brésil, le Vatican s’interdit depuis toute improvisation.
La séance de questions-réponses tenue dans l’avion qui menait le pape, en compagnie de 70 journalistes internationaux, au Cameroun, mardi 17 mars, répondait à cette règle. Comme il est désormais de coutume, les participants avaient envoyé des questions au responsable de la communication plusieurs jours avant le départ ; ce dernier en avait sélectionné six.
Peu après le décollage, les journalistes retenus ont été avisés qu’ils pourraient poser leur question et se sont vu remettre une version écrite, en italien, de leur demande. Puis le pape s’est déplacé à l’arrière de l’appareil et les confrères l’ont interrogé en italien, Benoît XVI répondant dans la même langue, sauf une fois, où il s’est exprimé en français.
Outre la question sur l’efficacité des préservatifs dans la lutte contre le sida, Benoît XVI a répondu à une demande sur sa supposée « solitude » dans la prise de décision, après la controverse sur la réhabilitation des évêques intégristes. « Ce mythe de la solitude me fait rire », a-t-il répondu.
Deux questions générales sur les effets de la crise économique et l’état de l’Eglise en Afrique ont suivi puis une autre sur la présence des « sectes ». En cinquième position, est arrivée la question sur le sida, qui ravage le continent. Enfin, une interrogation sur le message d’espoir que le pape entendait porter en Afrique a clos cet échange de quinze minutes.
FAIRE PASSER LE MESSAGE
C’est donc en toute connaissance de cause que Benoît XVI s’est exprimé sur le sujet qui fait depuis polémique. Il n’a pas été « piégé » par les « journalistes occidentaux », soucieux de « réduire l’Afrique au problème du sida », comme l’ont déclaré nombre de religieux et de journalistes camerounais. Le service de communication du Vatican a délibérément retenu cette question pour faire passer le message du pape. Et ce dernier avait eu le temps de préparer sa réponse.
Toutes ces précautions n’ont pas suffi : le lendemain à Yaoundé, face à la polémique qui montait en Europe, le père Federico Lombardi, porte-parole du pape, s’est livré à une séance d’explications, sans toutefois modifier le fond du message. En revanche, sur le site officiel du Vatican, quelques mots ont été changés dans la réponse du pape, afin d’en atténuer le sens.
Alors que, dans l’avion, Benoît XVI avait estimé que la distribution de préservatifs « augmente » le problème du sida, la version officiellement retranscrite indique que cela « risque d’augmenter » le fléau.
« Le pape », a assuré, jeudi, le père Lombardi, est au courant, « dans les grandes lignes », des réactions en Europe. Reste que, de plus en plus, le fond du message porté par le Vatican devient, sur un certain nombre de sujets, inaudible pour une partie du monde, catholiques compris.
Stéphanie Le Bars
* LE MONDE | 20.03.09 | 09h49 • Mis à jour le 21.03.09 | 18h03.
Benoît XVI complique le travail des associations camerounaises de lutte contre le sida
Les associations camerounaises de lutte contre le sida se sont indignées des propos de Benoît XVI, qui dans son avion à destination de Yaoundé, a déclaré le 17 mars qu’« on ne peut pas résoudre le problème du sida en distribuant des préservatifs ». Moins médiatisée, une petite phrase de l’évèque de Gap, Monseigneur Di Falco, n’est pas non plus passée inaperçue. « Malheureusement dans certains pays d’Afrique parce qu’ils n’ont pas les moyens de se procurer les préservatifs, ils vont les utiliser plusieurs fois ou à plusieurs », expliquait-il, le 18 mars, pour justifier les déclarations de Benoît XVI.
Dans un pays où plus de 40 % de la population est chrétienne et où 5,1 % des adultes vivent avec le VIH, selon l’ONU Sida, ces déclarations ont choqué Jean-Jules Kamgué, le président de l’association Colibri basée à Bafoussam. « Le clergé ne vit pas les mêmes réalités sociales que le commun des mortels », s’exclame-t-il avant de demander au pape des excuses publiques. Il l’invite même à participer à un débat sur la propagation du VIH. Car son association, explique-t-il, va maintenant devoir mettre en place une campagne de communication pour réduire la portée des propos de Benoît XVI.
« On va devoir mettre le public en garde, expliquer que ces recommandations ne sont valables que dans le cadre de l’Eglise catholique, où l’on demande la fidélité à un seul partenaire », renchérit Maurice Abina, président de l’Association des frères et sœurs unis pour l’espoir et la solidarité (Afsupes) basée à Douala. Ce dernier craint en effet que certains Camerounais ne comprennent mal les propos du pape. Selon lui, les différences culturelles concernant la sexualité peuvent avoir de graves conséquences. « Il [le pape] nous dit : ’ne mettez plus le préservatif mais soyez fidèles’, mais dans nos coutumes, il est reconnu que les hommes sont polygames. Pour un Camerounais, il n’est pas incohérent d’être fidèle à plusieurs femmes. » Au final, Maurice Abina s’indigne de l’ingérence du clergé dans le domaine de la santé publique : « Il n’est pas question que l’Eglise catholique revienne en Afrique jouer un rôle paternaliste », conclut-il.
Rémy Maucourt
* LEMONDE.FR | 20.03.09 | 19h36 • Mis à jour le 21.03.09 | 18h01.
Bagarre à la sortie de la messe dominicale à Notre-Dame
Une bagarre opposant une trentaine de militants écologistes et communistes et des militants d’extrême droite a eu lieu, dimanche 22 mars à l’église Notre-Dame de Paris, à la sortie de la messe dominicale. Une distribution de préservatifs sur le parvis de la cathédrale, organisée à l’occasion du week-end du Sidaction, serait à l’origine du différend entre les deux groupes. Selon les autorités, « une vingtaine de jeunes affiliés à l’extrême droite », brandissant des pancartes « Touche pas à mon pape » ont tenté de mettre un terme à l’opération, provoquant des échauffourées. Au final, une personne a été blessée et trois autres ont été interpellées
Dans le même temps, des membres d’Act-Up se sont couchées sur le parvis de Notre-Dame pour protester contre les propos du pape sur le préservatif. Equipés de portraits géants du pape barrés de la mention « Benoît XVI assassin », une vingtaine de personnes se sont allongés, perturbant également la sortie de la messe. Le pape Benoït XVI avait estimé que leur distribution n’était pas un moyen de lutte contre le sida mais qu’elle « aggravait » au contraire le problème.
* LEMONDE.FR avec Reuters | 22.03.09 | 15h54 • Mis à jour le 22.03.09 | 15h54.
BENOÎT XVI DÉFEND L’ÉVANGÉLISATION ET DÉNONCE L’AVORTEMENT
Au deuxième jour de sa visite en Angola, samedi 21 mars, le pape Benoît XVI a appelé les catholique de ce pays à travailler à la conversion des adeptes de la sorcellerie, critiquant au passage l’idée selon laquelle l’évangélisation constituait une atteinte à l’identité des peuples non chrétiens. « Si nous sommes convaincus » qu’une vie non chrétienne est « inachevée », « nous ne faisons d’injustice à personne si nous lui présentons le Christ » pour qu’il trouve « sa véritable authenticité » et « la joie », a-t-il soutenu lors d’une messe à l’église Sao Paulo de Luanda. La veille, le souverain pontif avait eu des propos très durs contre l’avortement thérapeutique. Benoît XVI doit retrouver, samedi en fin d’après-midi, plusieurs milliers de jeunes dans le stade dos Coqueiros de Luanda, pour une de ces « rencontres avec les jeunes » prisées en son temps par son prédécesseur, Jean Paul II. –(avec AFP)
L’efficacité du condom est démontrée, selon l’Onusida
Le monde compte 33 millions de séropositifs. Deux tiers des porteurs du VIH vivent en Afrique subsaharienne, où sont enregistrés 72 % des décès liés au sida.
L’utilisation du préservatif augmenterait-elle le problème du sida en Afrique, comme l’a affirmé, mardi 17 mars, le pape Benoît XVI, lors de son voyage au Cameroun ? « Il n’existe aucune preuve que le condom favorise la promiscuité, affirme Michel Sidibe, directeur exécutif d’Onusida. Au Burkina Faso, au Bénin, au Ghana, il y a eu une corrélation entre l’augmentation de l’utilisation du préservatif et la diminution de l’infection chez les jeunes. Bien souvent, le préservatif est le seul moyen de continuer à sauver des vies. »
M. Sidibe cite l’exemple de la Thaïlande où, grâce à une campagne menée en 1991 et visant à systématiser l’utilisation du préservatif par les prostituées dans les bordels, « le nombre d’infections sexuellement transmises a diminué de 92 % en cinq ans ».
« En Afrique subsaharienne, 43 % des nouvelles infections surviennent chez des personnes vivant en couple. Dans 60 % des cas, ces couples sont sérodiscordants : un seul des deux partenaires est porteur du VIH. Dans ces situations, l’efficacité du préservatif est démontrée », rappelle M. Sidibe.
Paul Benkimoun
* Article paru dans le Monde, édition du 22.03.09.
55 % des catholiques français ont une mauvaise opinion du pape
Les propos sur le préservatif ont sérieusement écorné l’image de Benoît XVI. D’après une étude CSA publiée samedi 21 mars par Le Parisien/Aujourd’hui en France, les Français sont désormais 57 % à avoir une mauvaise opinion de lui, contre 25 % il y a six mois. Même parmi les catholiques, ils sont 55 % à partager cet avis (+ 36 points). Il n’y a plus que chez les catholiques se déclarant pratiquants réguliers que le souverain pontife conserve une image majoritairement positive, à 52 %, contre 86 % en septembre. Ce sondage a été réalisé par téléphone les 18 et 19 mars auprès d’un échantillon de 1 012 personnes représentatif de la population française.
Dans l’avion qui le menait en Afrique, Benot XVI a estimé, mardi 17 mars, que la distribution de préservatifs n’était pas un moyen de lutte contre la pandémie du sida mais qu’elle aggravait au contraire le problème. Ces propos ont provoqué un tollé et s’ajoutent à plusieurs affaires qui ont nui à l’image du pape, en particulier la réintégration d’évêques intégristes, dont l’évêque Williamson malgré ses prises de position négationnistes
avec Reuters et AFP
* LEMONDE.FR avec AFP | 20.03.09 | 21h46 • Mis à jour le 21.03.09 | 12h06.