Comme on pouvait s’y attendre, le Conseil des ministres de l’Union Européenne a parachevé le sabordage du projet de règlement REACH. La procédure n’est pas encore complètement terminée (le texte doit retourner au Parlement puisque cette matière relève de la « codécision »). Mais il faudrait un miracle pour que le document final ne donne pas entièrement satisfaction à l’industrie...
Rappel : le projet de règlement sur lequel le Parlement Européen devait se prononcer en première lecture, le 17 novembre dernier, ne concernait plus que 30.000 substances sur 100.000 et son coût pour l’industrie avait été ramené de 0,4% à... 0,01% du chiffre d’affaire.
C’était encore trop. Au parlement, les tests de toxicité ont été réduits à leur plus simple expression pour les 20.000 substances entre une et dix tonnes par an (un rapport complet ne devra être fourni que pour les substances à risque) et la procédure a été assouplie pour les substances entre 100 et 1000 tonnes. En fin de compte, des informations complètes ne seront disponibles que pour 15% des substances. Cela ne facilitera pas la tâche des médecins et des biologistes qui entendent prouver que la pollution chimique constitue une cause majeure de cancers, perturbations hormonales, déformations du fœtus, etc. Les eurodéputés n’en ont eu cure : le texte amendé a été adopté par 407 pour, 105 contre et 41 abstentions.
Mais il restait un caillou dans le soulier de l’industrie : « l’obligation de substitution », autrement dit l’obligation légale de remplacer les substances dangereuses par des alternatives plus sûres lorsque celles-ci existent, indépendamment du coût. Cette disposition avait été adoptée par les eurodéputés en tant que compensation à la gauche et aux écologistes. Le lobby patronal a évidemment redoublé d’efforts pour qu’elle soit annulée par le Conseil des ministres. Et il a obtenu satisfaction : réunis début décembre, les 25 ont remplacé l’obligation de substitution par une simple « recommandation ». Les patrons continueront à décider seuls de ce qu’ils produisent. Sans contrainte, en fonction de leurs profits.
C’est un fait bien établi que l’intérêt de l’industrie passe généralement avant la santé des gens et de l’environnement. Mais rarement décision en ce sens aura été prise de façon aussi consciente et avec une telle absence de scrupules. Du cynisme chimiquement pur, en quelque sorte.