SHANGHAÏ CORRESPONDANT
Annoncé jeudi, juste avant les congés du nouvel an lunaire, le verdict de la cours intermédiaire du peuple de Shijiazhuang (province du Hebei) dans l’affaire du lait contaminé à la mélamine, ne fait pas l’unanimité chez les parents des victimes et leurs défenseurs.
Ils n’étaient pas représentés au procès et l’accès au tribunal leur fut interdit. Les sentences sont pourtant lourdes. Deux personnes accusées d’avoir fourni de la mélamine en grande quantité aux centres de production laitières ont été condamnées à mort, et une autre à la peine capitale avec sursis. Tian Wenhua, la patronne du groupe Sanlu, a été condamnée à la réclusion criminelle à perpétuité pour avoir fabriqué et vendu des « produits frelatés et inférieurs aux normes ». Ses deux subalternes ont écopé de lourdes peines.
Une demi-douzaine d’autres personnes impliquées dans le circuit de production de lait ont également été condamnées à la prison. « Les condamnations à mort sont excessives et d’autres personnes impliquées ne sont pas inquiétées. Ce n’est pas la justice. On est face à un problème institutionnel : ces condamnés à mort sont jusqu’à un certain point des boucs émissaires, car l’administration sanitaire, ainsi que le gouvernement local devraient avoir à payer pour leur incurie », réagit au téléphone Li Fangping, l’un des avocats qui ont depuis le début de l’affaire bravé les pressions pour organiser un soutien aux parents.
Le scandale de la poudre de lait contaminée à la mélamine, qui a éclaté en septembre 2008, concerne plus de 22 sociétés laitières chinoises. Il a mis à jour une longue chaîne de corruption. Officiellement, 294 000 bébés sont tombés malades. Six sont morts suite à des déficiences rénales.
Des parents qui se sont regroupés pour obtenir des compensations subissent des intimidations. Zhao Lianhai, le père d’un garçonnet de 4 ans qui anime un forum d’information appelé Jieshi Baobao (littéralement, « les bébés qui ont cailloux ») et s’est érigé porte-parole de parents mécontents, a été bloqué, jeudi, à Shijiazhuang avec six autres parents à proximité du tribunal, nous a-t-il confirmé au téléphone. Deux autres parents ont été placés en garde à vue à Kunming et Pékin alors qu’ils s’apprêtaient à se rendre dans le Hebei.
Vendredi, l’Association chinoise de l’industrie laitière clamait dans la presse officielle que 90 % des familles avaient accepté le plan de compensation qui attribue 200 000 yuans (près de 23 000 euros) aux parents ayant perdu un enfant, 30 000 yuans à ceux dont l’enfant a été opéré, et 2 000 à ceux dont le nourrisson est tombé malade. « Je connais déjà plusieurs cas de parents ou de grands-parents qui ont reçu des visites incessantes d’officiels locaux pour leur demander d’accepter le plan de compensation », dénonce Zhao Lianhai au téléphone.
M. Zhao a le détail de six autres cas d’enfants morts non comptabilisés comme victimes officielles ; de parents qui peinent à faire accepter la gratuité des soins hospitaliers ou qui ont dépensé en frais médicaux bien plus que les remboursements prévus.
Zhao Lianhai et quatre autres parents sont allés, vendredi, porter une pétition collective de 500 signatures au ministère de la santé et plusieurs administrations pékinoises pour exiger notamment que les compensations ne soient pas unilatérales et arbitraires, et un traitement médical gratuit après 18 ans. Par ailleurs, 213 parents ont déposé, le 16 janvier, avec leurs avocats une demande d’action en justice auprès de la Cour suprême chinoise contre les 22 sociétés laitières après s’être vus débouter par tous les tribunaux ordinaires.
Brice Pedroletti
* Article paru dans l’édition du 25.01.09. LE MONDE | 24.01.09 | 14h37 • Mis à jour le 24.01.09 | 18h16.
Scandale du lait contaminé : une peine de prison à vie et trois peines de mort
Des agents de l’inspection sanitaire vident des boîtes de lait en poudre contaminé dans une décharge de Guangdong, le 19 septembre 2008.
ian Wenhua, l’ex-patronne de Sanlu, le principal producteur incriminé dans la crise du lait trafiqué à la mélamine, a été condamnée, jeudi 22 janvier, à la détention à perpétuité, a annoncé l’agence officielle Chine nouvelle. Plus haute personnalité à être jugée dans ce scandale qui a tué six enfants en 2008 en Chine et en a rendu malades 300 000, Mme Tian, 66 ans, a été accusée d’avoir étouffé l’affaire pendant plusieurs mois avant d’avertir les autorités locales, lesquelles, à la veille de l’ouverture des Jeux de Pékin, ont également tardé à réagir.
Si la femme d’affaires a échappé à la peine capitale, trois hommes ont en revanche été condamnés à mort, dont l’un avec sursis, pour leur implication dans le scandale. Ces verdicts sont les premiers à tomber. Un tribunal de Shijiazhuang, dans la province de Hebei (Nord), a commencé a égréner les condamnations de vingt et un accusés ayant comparu fin décembre au procès du lait contaminé à la mélamine. Ce scandale avait créé une véritable psychose en Chine. Le scandale a également mis à mal la réputation des produits chinois dans le monde entier et les autorités ont promis de faire toute la lumière et de réformer le système de contrôle de la chaîne alimentaire.
L’enquête a permis de déterminer que vingt-deux sociétés ont vendu du lait trafiqué avec la mélamine, produit destiné aux colles, aux résines ou aux engrais qui simule, lors des tests de contrôle, un apport en protéines. Les vingt-deux entreprises laitières ayant mis sur le marché des produits frelatés ont, de leur côté, annoncé la création d’un fonds spécial d’indemnisation, doté de 160 millions de dollars. Mais familles et avocats des victimes ont critiqué l’initiative, soulignant que certains parents d’enfants tombés malades ne recevraient que 300 dollars.
* LEMONDE.FR avec AFP | 22.01.09 | 10h13 • Mis à jour le 22.01.09 | 10h46.