L’une sort, l’autre pas. En début de soirée, vendredi 16 janvier, Yildune Lévy, 25 ans, un carton sous le bras, a quitté la prison de Fleury-Mérogis (Essonne) où elle était incarcérée depuis le 15 novembre 2008. Contre l’avis du parquet, la cour d’appel de Paris a ordonné sa remise en liberté, sous contrôle judiciaire, suivant les recommandations du juge d’instruction, Thierry Fragnoli. Ce dernier avait estimé, dans son ordonnance, que le maintien en détention provisoire de la jeune femme n’était pas nécessaire à la poursuite de son enquête. Le même jour, la demande de Julien Coupat, 34 ans, a été rejetée par le juge de la détention et des libertés (JLD). Il est pourtant mis en examen pour les mêmes motifs que sa compagne : destruction en réunion et association de malfaiteurs à visée terroriste.
Des neuf personnes soupçonnées d’avoir saboté des lignes SNCF à grande vitesse et mises en examen, M. Coupat est le seul à demeurer en prison. Le 11 novembre, jour de leur interpellations, la ministre de l’intérieur, Michèle Alliot-Marie, s’était félicitée d’une « opération réussie » impliquant le « milieu de l’ultra-gauche ».
Depuis, le dossier est apparu de plus en plus confus. Les uns après les autres, les interpellés ont été remis en liberté, avec les mêmes contraintes : interdiction de se rencontrer et de s’éloigner de leur lieu de résidence. Pour cinq d’entre eux, considérés comme le « noyau dur », les services du procureur de la République se sont systématiquement opposés à leur remise en liberté, utilisant la procédure assez rare, du « référé-détention » suspensif. Le 19 décembre, le JLD avait décidé de libérer M. Coupat avant que le parquet ne gagne la partie. Le 16 janvier, un autre JLD s’y est, cette fois, opposé d’entrée.
« Aucun élément nouveau, ou aggravant, n’est pourtant intervenu », proteste son avocate, Irène Terrel, qui a fourni les mêmes garanties de représentation : la preuve d’un domicile et une offre d’emploi d’assistant de production dans la maison d’édition de l’écrivain-réalisateur Armand Gatti, La Parole errante, à Montreuil (Seine-Saint-Denis). « Julien Coupat a été diabolisé, il en subit les conséquences aujourd’hui », estime l’avocate qui a fait appel. Réponse dans 20 jours. Vendredi, l’avocat de Yildune Lévy, Steeve Montagne, a salué « la décision d’un magistrat qui a fait preuve d’indépendance et de courage face au parquet ». La situation de sa cliente dépend encore de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris qui examinera sur le fond, le 23 janvier, l’appel du parquet pour son maintien en détention.
Dans ce contexte, le « comité de soutien aux inculpés du 11 novembre » a décidé d’organiser, à partir du 17 janvier, une semaine de manifestations, concerts et débats. Lundi 19 janvier, un séminaire sur l’antiterrorisme est prévu à l’Ecole des hautes études en sciences sociales, à Paris. « Nous voulons que le questionnement sur ce qui n’est jamais questionné ait pleinement lieu, c’est à dire durablement et selon les termes qui lui conviennent », écrit le comité dans un texte transmis au Monde. Estimant que « l’antiterrorisme est une méthode de gouvernement et doit être compris ainsi », les auteurs jugent que « le flou caractéristique des lois antiterroristes n’est pas le fruit d’une négligence. C’est leur façon propre d’être opérationnelles ». « La guerre au terrorisme, écrit ce comité, apparaît aujourd’hui comme l’horizon commun de toutes les démocraties occidentales (...) ». Pour le comité, « l’évidence factice d’un ennemi absolu suffit à justifier les moyens au point de les rendre inquestionnables. L’affaire de Tarnac a été l’une des rares occasions où ce type d’intervention a fait l’objet d’un questionnement public ».
CHRONOLOGIE
11 NOVEMBRE 2008.
Interpellations de neuf personnes à Tarnac (Corrèze) et Paris.
15 NOVEMBRE.
Les neuf sont mis en examen pour association de malfaiteurs à visée terroriste. Quatre sont remis en liberté sous contrôle judiciaire.
2 DÉCEMBRE.
Remise en liberté de Gabrielle Hallez, Benjamin Rosoux, Manon Gilbert.
16 JANVIER 2009.
Remise en liberté de Yildune Lévy.