PÉKIN CORRESPONDANCE
Alors qu’une vingtaine de personnes ont été jugées, fin décembre 2008, dans l’affaire du lait frelaté en Chine, dont les dirigeants de Sanlu, l’entreprise au cœur du scandale, le 31 décembre, à Shijiazhuang (province du Hebei, nord de la Chine), les parents des bébés victimes du lait dénoncent le silence imposé par les autorités.
Près de 200 familles ayant cherché à intenter des actions en justice ont en effet vu, pour l’instant, leurs plaintes rejetées. De plus, les compensations annoncées au cours de la semaine du 28 décembre leur paraissent insuffisantes. Le fonds auquel doivent contribuer les 22 marques ayant commercialisé du lait en poudre à la mélamine ne couvrira les soins des 294 000 enfants touchés que jusqu’à leurs 18 ans.
Les parents des enfants ayant été hospitalisés recevront, en outre, quelque 2 000 yuans (200 euros) en guise de réparation. Les familles de ceux qui ont dû être opérés recevront une somme légèrement supérieure et les parents dont l’enfant est décédé après avoir avalé du lait contaminé par la mélamine (6 morts ont pour l’instant été comptabilisés) percevront près de 200 000 yuans (20 000 euros).
« Ce n’est pas tant le montant des compensations qui nous choque, mais l’attitude des autorités ; il y a eu une décision unilatérale, et ce n’est absolument pas acceptable pour nous », estime Zhao Lianhai. Ce père d’un garçon de 4 ans, qui, dit-il, est en bonne santé mais a ingurgité de la mélamine qui se trouvait dans des bonbons et des chocolats, diffuse en ligne un bulletin d’information pour les autres familles.
DES SOINS GRATUITS TOUTE LEUR VIE
M. Zhao a pris la tête d’un petit groupe de parents, venus de province, qui avait prévu de tenir, le 2 janvier, une conférence de presse à Pékin pour faire part de leurs doléances. La veille au soir, M. Zhao et quatre parents ont été arrêtés par la police et conduits dans un centre attenant à un camp de travail.
« J’ai été séparé des autres et interrogé pendant une heure sur les détails de la conférence de presse, a raconté, samedi 3 janvier, au Monde M. Zhao. Le lendemain, pendant sept heures, ils m’ont demandé d’annuler la conférence et de cesser de publier mon bulletin, ce que j’ai refusé. »
En détention, les parents se sont entretenus avec les policiers et des représentants du ministère de la santé. « Ils nous ont dit que les mesures annoncées étaient pour l’instant un test et qu’il y aurait des ajustements, et que si on n’était pas d’accord, on pourrait en rediscuter après le 15 janvier », poursuit M. Zhao qui a été relâché avec ses compagnons vendredi dans la soirée.
D’autres parents du groupe, qui n’avaient pas été arrêtés, ont réussi à rencontrer quelques journalistes étrangers - la presse chinoise n’a pas mentionné l’affaire. Ils ont souhaité que les enfants puissent bénéficier de soins gratuits toute leur vie en cas de séquelles dues à la mélamine. Ils dénoncent enfin le fait que les hôpitaux censés traiter gratuitement les enfants refusent parfois de le faire.
« Nous allons continuer de préparer une action en justice au nom de 200 parents », dit Xu Zhiyong, l’un des avocats du groupe, joint au téléphone. En octobre 2008, maître Xu et ses confrères avaient proposé 12 000 yuans (1 200 euros) comme montant minimal de compensation pour les parents.
Lors du procès des dirigeants de Sanlu - les accusés ont été montrés à la télévision, la mine contrite -, le verdict, dont la date n’a pas été annoncée, pourrait se traduire par la peine de mort ou la détention à perpétuité, notamment pour l’ex-directrice générale du groupe, Tian Wenhua. Une manière, commentent certains observateurs, de livrer à l’opinion publique des boucs émissaires tout trouvés.
Brice Pedroletti
* Article paru dans le Monde, édition du 06.01.09. LE MONDE | 05.01.09 | 14h34 • Mis à jour le 05.01.09 | 14h34.
Les laiteries chinoises demandent pardon par SMS pour le scandale du lait frelaté
REUTERS/CHINA DAILY
Tian Wenhua et ses trois co-accusés comparaissent devant le tribunal de Shijiazhuang, dans la province du Hebei, le 31 décembre 2008.
Nous sommes profondément désolés pour le mal causé aux enfants et à la société. Nous présentons nos sincères excuses et implorons votre pardon." Pour la nouvelle année, plusieurs millions de Chinois ont reçu sur leur téléphone mobile un message d’un groupement de vingt-deux entreprises de production laitière leur demandant pardon pour la contamination de leurs produits à la mélamine, un scandale qui a causé la mort de six nourissons et en a rendu malades près de 300 000.
La mélamine, composant industriel employé dans la fabrication de matières plastiques et d’engrais chimiques, a été incorporée à dessein dans des stocks de lait afin qu’il semble plus riche en protéines lors des contrôles. Quatre dirigeants de Sanlu, le principal producteur incriminé, dont sa présidente Tian Wenhua, comparaissent devant un tribunal du nord de la Chine où ils doivent répondre de cette contamination. Mercredi, Mme Tian a plaidé coupable et reconnu devant la justice qu’elle était informée depuis le mois de mai que des enfants étaient tombés malades après avoir consommé des produits de Sanlu mais qu’elle n’en avait pas informé les autorités avant le mois d’août.
Cette dirigeante, qui est passible de la détention à perpétuité, a pour co-accusés trois anciens hauts cadres de Sanlu, dont l’un a comparu mercredi en chaise roulante, ayant perdu l’usage de ses jambes après une tentative de suicide.
Les vingt-deux entreprises laitières ayant envoyé des messages d’excuse, ont annoncé la création d’un fonds spécial d’indemnisation, doté de 115 millions d’euros.
* LEMONDE.FR avec AFP et Reuters | 02.01.09 | 09h33 • Mis à jour le 02.01.09 | 09h33