Le projet de constitution européenne
constitue t-il un pas en avant vers
une Europe écologique ? On serait
tenté de le croire en écoutant certains
Verts férocement engagés pour
le oui, dont l’argumentation est pourtant
éloignée de toute considératon
écologiste. Ainsi, si ce traité « (entérine)
nombre de politiques actuelles de
l’UE productivistes et libérales », il
faut cependant le voter ! On est contre
dans le détail, mais pour l’ensemble
! On se rassure avec des phrases
creuses et fausses : « L’Europe constitue
le premier espace où s’élaborent,
certes insuffisamment, des règles dont
le but est de construire un développement
durable accessible à tous au plan
mondial. » (tribune de responsables
Verts, Libération 27/09/2004)
Que dit donc le projet de Constitution ? que permet-il et qu’interdit-
il ?
Commençons par le « développement
durable » : « l’Union œuvre pour le
développement durable de l’Europe
fondé sur une croissance économique
équilibrée et sur la stabilité des prix,
une économie sociale de marché hautement
compétitive, qui tend au plein
emploi et au progrès social, et un
niveau élevé de protection et d’amélioration
de la qualité de l’environnement.
» (article I-3 § 3). Nous voilà
bien loin des avancées de la
Déclaration de Rio de 1992. Le
concept de développement durable,
pourtant déjà bien critiquable, est ici
presque totalement vidé de sa portée
écologique, et retourné en caution
d’un productivisme permanent, « l’environnement
» n’étant plus qu’une
variable parmi d’autres au même titre
que... « la stabilité des prix ». On fait
mine de croire que l’on va pouvoir
produire toujours plus sans conséquence
environnementale, et sans se
soucier des inégalités à l’échelle mondiale
ni des conséquences dans le
temps (les « générations futures »
évoquées au détour du préambule se
débrouilleront...).
En 448 articles, cette constitution ne
dit rien sur le climat, sur la biodiversité,
le nucléaire, les questions écologiques
liées au transport, à l’agriculture
ou à l’énergie... On cherchera
vainement les mots « écologique » ou
« écosystème ». L’Europe semblerait
pourtant un cadre minimal pour la
mise en œuvre des politiques environnementales.
La politique environnementale commune
n’existe pourtant pas. Pour définir des
mesures fiscales européennes, des
mesures relatives à la gestion de l’eau
ou encore des « mesures affectant sensiblement
le choix d’un Etat membre
entre différentes sources d’énergie »
(ouf ! pour le nucléaire français...),
l’unanimité des 25 Etats membres est
requise. On le voit, il n’y a pas grand
risque qu’émerge une politique écologique
européenne conséquente. Le
principe de précaution, déjà présent
dans les textes actuels, n’est pas défini...
là encore on est bien en deçà de
Rio. En outre il n’est évoqué que dans
la partie environnement, pas dans la
partie protection des consommateurs
ou santé publique (III-233, III-235 et
III-278).
Si l’environnement est réduit à la portion
congrue, les transports (III-236 et
suivants), l’énergie (III-256) et l’agriculture
(III-225 et suivants) font l’objet
de nombreux articles, au contenu
strictement économique. Dans ces trois
domaines, l’emprise de l’idéologie libérale
est totale. Le marché est la règle,
il doit être préservé : cette antienne
est répétée jusqu’à l’absurde. « Toute
mesure dans le domaine des prix et
conditions de transport, adoptée dans le
cadre de la Constitution, doit tenir
compte de la situation économique des transporteurs
» (article III-239) ! Qu’un tel article
figure dans un projet de
Constitution est confondant... On
remarquera qu’il n’existe pas d’articles
indiquant que ce même type de mesure
doit tenir compte de la situation de
l’environnement ou de la situation des
salariés du secteur des transports...
Comment prendre des mesures pour
rééquilibrer la part du rail ou du cabotage
maritime dans le transport de marchandises
sans porter atteinte à la
situation économique des transporteurs
routiers ? Dans le domaine de l’énergie,
l’Union « vise à assurer le fonctionnement
du marché », ce qui limite les
possibilités de promotion de l’efficacité
énergétique et de développement des
énergies nouvelles et renouvelables par
ailleurs réaffirmée (III-256). Comment
aider ces énergies sans aide publique
massive, prohibée par ailleurs par d’autres
articles du traité, notamment le
III-167 ? Quant à la politique agricole
commune, son premier objectif est...
« d’accroître la productivité » (III-
227) : on croît rêver, mais non, dans
une Europe qui croule sous la surproduction,
il faut produire toujours plus.
Pas un mot par contre sur les pesticides,
la qualité de l’eau, la diversité des
productions... On le voit de tous côtés
la possibilité d’une politique écologique
alternative résolue est bloquée.
On sait qu’il en est de même pour la
politique sociale...
Le bouquet ne serait pas complet si
l’on ne nous promettait pas la paix.
Comment en effet l’Union compte telle
atteindre son but « de promouvoir
la paix, ses valeurs et le bien-être de
ses peuples (I-3 § 1) ? Mais tout
simplement en réaffirmant son allégeance
à l’OTAN et en développant son
armement : « Les Etats membres s’engagent
à améliorer progressivement
leurs capacités militaires », « La politique
de l’Union (...) respecte les obligations
découlant du traité de
l’Atlantique Nord » (I-41) Sans doute
une manière de s’émanciper de l’hégémonisme
étatsunien...
Loin donc d’être un appui pour des
avancées écologiques, ce projet institue
de redoutables obstacles permanents
dans cette voie. Décidément,
votons NON !!!