Quatre jours après le simulacre de procès des leaders du mouvement social du bassin minier de Gafsa/ Rédeyef au cours duquel la torture a été dénoncée, trois jours après celui du Dr Chourou, le dernier président du mouvement En Nahdha, dont le long séjour en prison illustre le calvaire de centaines de prisonniers victimes de torture et de mauvais traitements.
POUR LA 1ÈRE FOIS, UN TORTIONNAIRE TUNISIEN EST CONDAMNÉ PAR UNE COUR D’ASSISES FRANÇAISE À HUIT ANS DE RÉCLUSION CRIMINELLE.
Le 15 décembre 2008 a été jugée l’affaire de Madame Zunaikha GHARBI contre M. Ben SAID. Ce dernier avait refusé de comparaître devant la Cour d’assises du Bas-Rhin, préférant se faire représenter par son avocat, de peur d’être écroué à l’issue du procès, tant les preuves et les témoignages étaient accablants à son encontre comme à l’encontre du régime tunisien lequel recourt à la torture de manière méthodique et systématique.
Les faits qui se trouvent à l’origine de cette condamnation historique, remontent aux années 90, lorsque le régime était en « guerre ouverte » contre les islamistes. L’époux de la plaignante (Mme Zunaikha) avait trouvé refuge en France où il a obtenu l’asile politique. Sa femme étant restée en Tunisie, elle fut enlevée par la police politique tunisienne et eut à subir diverses tortures et traitements inhumains et dégradants, pour la contraindre à dénoncer son époux et indiquer à ses tortionnaires où il se trouvait. C’était en 1996. En 2001, et alors qu’elle a rejoint son époux dans le cadre d’une procédure de regroupement familial, la victime a découvert que son tortionnaire avait été promu à un poste de vice-consul à Strasbourg. Une plainte avec constitution de partie civile sur la base de la compétence universelle reconnue aux Etats signataires de la Convention de Genève de 1984, a été déposée au parquet avec le soutien actif de la FIDH (Fédération internationale des ligues des droits de l’homme) et de la LDH (ligue des droits de l’homme). Avisé de la procédure engagée à son encontre, le tortionnaire s’est lâchement empressé de quitter la France, avant même l’ouverture de l’enquête !
La condamnation du tortionnaire Ben SAID à 8 ans de réclusion criminelle constitue, à n’en pas douter, une formidable victoire pour toutes les victimes de tortures, pratiquées à une grande échelle en Tunisie. C’est également une victoire contre l’impunité érigée en système de gouvernement dans la Tunisie de M. Ben Ali ; c’est enfin un heureux aboutissement des efforts ininterrompus déployés par les défenseurs tunisiens des droits humains, en Tunisie comme à l’étranger, qui n’ont eu de cesse de dénoncer la barbarie du régime. En effet, de nombreuses personnes sont décédées sous la torture lors des interrogatoires policiers ; d’autres sont mortes, à cause du manque de soins médicaux dans les prisons de la « république » tunisienne…
C’est ce qu’a courageusement dénoncé, à juste titre, le Dr Sadok CHOUROU (le dernier Président du Mouvement ENNAHDA, avant son interdiction par les autorités) élargi le 5 novembre 2008, après 18 ans d’emprisonnement, dont 13,5 ans en isolement !
Moins de trois semaines après sa libération (6 mois seulement avant l’accomplissement intégral de sa peine…), le Dr CHOUROU a de nouveau été arrêté suite à une interview accordée à une chaîne londonienne, Al Hywar, dans laquelle il a révélé le calvaire qu’il a vécu depuis 1991, et dans laquelle il a réitéré son attachement à l’action politique pacifique et à l’indispensable normalisation des rapports entre ENNAHDA et le pouvoir tunisien. Un procès des plus inéquitables pour « appartenance et entretien d’une association prohibée » sanctionna ses déclarations par une condamnation infamante d’un an d’emprisonnement ! (Un rapport détaillé sur le procès sera publié très prochainement par le CRLDHT)
A quelques jours d’intervalle, nous avons donc pu assister à un nouveau « haut fait » de la justice tunisienne. Presque au moment où la justice française condamnait (n’était-ce par contumace) en toute indépendance, un tortionnaire tunisien et protégeait, ainsi, efficacement les droits de la victime, Mme ZUNAIKHA, la justice tunisienne rendait, une fois de plus, une décision des plus iniques, condamnant la victime (Dr CHOUROU) pour avoir dénoncé ses tortionnaires !
Tel est l’état pitoyable de la justice tunisienne : garantir l’impunité des coupables et réprimer ceux (et celles) parmi les victimes qui « osent » dénoncer leurs bourreaux !
Le CRLDHT salue cette décision de justice qui contribue de manière significative à la lutte contre l’impunité. Il appelle les autorités tunisiennes à prendre les mesures nécessaires pour que cesse la pratique systématique de la torture et des traitements inhumains et dégradants. Ceux-ci n’ont jamais cessé voire se sont amplifiés comme l’atteste notamment le dernier rapport sur la torture en Tunisie publié conjointement par le CRLDHT et l’ALTT (association de lutte contre la torture en Tunisie) sous le titre « la torture en Tunisie et la loi « antiterroriste » du 10 décembre 2003 : faits et témoignages afin que cesse l’impunité »
Paris, le 19 décembre 2008.
C.R.L.D.H. Tunisie
Comité pour le Respect des Libertés et des Droits de l’Homme en Tunisie
membre du Réseau Euro-méditerranéen des Droits de l’Homme
21ter rue Voltaire - FR-75011 PARIS - Tel/Fax : +33.(0)1.43.72.97.34
contact crldht.org / www.crldht.org