En profitant de la fermeture estivale des écoles et des facultés, le gouvernement Berlusconi a fait approuver au pas de charge la loi 133/08. Prévoyant de réduire de 47 % le budget de l’université, il la justifie par l’excès de personnel, la volonté de réduire les gaspillages et la nécessité de faire face à la crise économique. Cela se traduit par 467 millions d’euros en moins pour l’université, la réduction de 10 % du fonds de financement dans les cinq prochaines années, et un blocage du turn-over des professeurs, seuls 20 % des professeurs partant à la retraite étant remplacés. Dans le primaire et le secondaire, le blocage du turn-over équivaudra à la suppression de 87 000 postes d’enseignant et à 44 000 postes de personnel technique. Pour donner une impulsion majeure à la privatisation de l’institution, il est prévu de transformer les universités en fondations de droit privé. Ces mesures s’associent à la contre-réforme de l’école élémentaire, approuvée le 29 octobre au Parlement, en dépit de l’agitation qui secoue le pays depuis la mi-octobre.
Les manifestations, les leçons dans la rue et les sit-in n’ont cessé de se multiplier, avec une participation toujours croissante. Cette contre-réforme prévoit en effet, derrière le rideau de fumée d’un appel au retour de la discipline à l’école (avec la note de conduite et le port du tablier), le démantèlement de l’école élémentaire : le retour de l’enseignant « unique » [1], la réduction des heures de classe et des écoles. Par ailleurs, en cohérence avec les politiques racistes promues par le gouvernement, la loi prévoit également l’institution de « classes d’intégration » séparées pour les enfants immigrés ou fils d’immigrés. La motivation officielle s’appuie sur la nécessité d’offrir la possibilité d’un apprentissage de la langue italienne, adapté à ceux qui ne présentent pas de compétences linguistiques suffisantes. Avec cette mesure, on introduit un élément de ségrégation dans les écoles publiques.
Le premier effet tangible de cette véritable irruption estudiantine sur la scène politique s’est traduit par le bouleversement du débat politique. Après plus de six mois dominés par l’offensive xénophobe et raciste des droites, par une véritable chasse aux sorcières à l’encontre des travailleurs de la fonction publique, accusés d’être des « fainéants », par des attaques contre les syndicats à l’occasion de l’affaire Alitalia, par l’absence de toute forme d’opposition digne de ce nom, le mouvement étudiant a imposé un message fondamental, que résume formidablement le slogan : « Nous ne paierons pas votre crise ! »
Grève générale
Les contre-réformes de l’instruction et du monde du travail, qui ont touché l’Italie ces dernières années, ont engendré une génération sans futur. C’est précisément de cette absence radicale de toute perspective que cette dernière tire son courage. Le mouvement étudiant travaille à la création d’une alliance avec le monde du travail, l’objectif étant la généralisation du mouvement au reste de la société. Un document, approuvé le 31 octobre à l’université occupée de Rome, La Sapienza, invite explicitement tous les syndicats à la convocation d’une grève générale contre le gouvernement. Reste la question des perspectives de ce mouvement, de son élargissement et de son rapport à la politique institutionnelle.
Le premier élément de nouveauté est que, pour la première fois, il n’existe pas de force politique institutionnelle qui puisse servir de référent naturel au mouvement. La disparition des organisations de la Gauche arc-en-ciel du Parlement (et, évidemment, du Parti de la refondation communiste) et leur difficulté à intervenir au sein des mobilisations ouvrent un espace que le Parti démocrate tente, pour l’instant, d’occuper. Il a ainsi proposé un référendum d’abrogation de la contre-réforme, qui risque de ramener les mobilisations dans le lit de la politique institutionnelle, en en atténuant la radicalité et en tentant de désamorcer la reconstruction d’une conflictualité sociale.
En attendant, le mouvement s’est doté d’un calendrier, après la journée de mobilisation nationale du 7 novembre et la participation à la grève de l’université, le 14 novembre. Les 15 et le 16 novembre, aura lieu la première assemblée du mouvement, à l’initiative de La Sapienza de Rome. Les étudiants ont lancé le mot d’ordre. Les syndicats doivent maintenant décider de quel côté ils se placent. La mobilisation des étudiants et les conflits sectoriels déjà en cours, en premier lieu celui des ouvriers de la métallurgie (avec la grève de la Fiom, le 5 décembre), en créent les conditions. Le syndicalisme relèvera-t-il cet appel et convoquera-t-il la grève générale ?