Cette crise se manifeste sous la forme de faillites de banques, de fusions d’entités financières ou de services, de nationalisations ou étatisations voulues par ceux qui, jusqu’à très récemment, défendaient la loi du marché. Tout ceci pour un coût, selon le FMI, de 1 300 milliards de dollars et un sauvetage des « portefeuilles toxiques » de 700 milliards de dollars, proposé par le gouvernement Bush et discuté au congrès des Etats-Unis.
A titre de comparaison, signalons que l’Aide Officielle au Développement discutée à l’ONU demandait, pour 2007, 70 millions de dollars, destinés à soulager presque 1 milliard de personnes en situation de pauvreté sur toute la planète. L’aide effectivement débloquée a seulement atteint à peine la moitié de cette somme. Pour présenter ces données sous forme de pourcentages, combattre la pauvreté dans le monde nécessite 10% des sommes que Washington envisage de débloquer pour sauver le système bancaire du pays et pour que la situation cesse de s’aggraver. Il est encore plus terrible de constater que l’aide effectivement distribuée (en considérant sa destination réelle et son application) n’a atteint que 5% du montant du « traitement de sauvetage ».
La nature même et les causes du problème sont à rechercher dans le processus conscient et délibéré de libéralisation mis en place par l’offensive de concentration du capital, afin de surmonter la crise de rentabilité à la fin des années 60. Le diagnostic des puissants était que les pertes de profit étaient dues à la rigidité du marché du travail, au coût de l’appareil de l’Etat (et à ses fortes dépenses dans l’éducation, la santé et d’autres secteurs), et aux entraves à la libre circulation du capital, des marchandises et des services.
Ce diagnostic a déclenché l’attaque des libéraux contre les travailleurs et leurs droits. Les consignes étaient : flexibilisation des salaires et du travail, précarisation de l’emploi et baisse des salaires. La subordination du travail au capital s’est accrue, ce qui s’est traduit par une plus grande exploitation des travailleurs. Pour ce faire, les réformes de l’Etat de première et deuxième génération ont conduit à la dérégulation et à la privatisation. Tout était fait pour favoriser le marché à l’échelon local et mondial, et pour ce faire les frontières ont été ouvertes et la sécurité juridique a été donnée aux investissements. Libéralisation et sécurité pour le capital !
Ces politiques ont un côté très sombre. Dans le cône sud de l’Amérique, elles ont été lancées par des dictatures (coups d’état de 1973 au Chili et de 1976 en Argentine). Ces idées étaient portées par l’Ecole de Chicago el le prix Nobel d’économie 1976 : Milton Friedman. Ensuite, ces politiques se sont généralisées grâce à la restauration conservatrice en Angleterre (avec Thatcher à partir de 1979) et aux Etats-Unis (avec Reagan en 1980). La réserve fédérale des Etats-Unis fut le vecteur qui permit d’installer au niveau mondial la domination du modèle bancaire américain. Avec messieurs Volcker (1979/1987), puis Greenspan (1987/2006) et Bernancke (à partir de 2006), ce sont presque 30 ans de politique spéculative qui ont explosé avec la crise des crédits en août 2007, avant d’atteindre les marchés financiers en septembre 2008.
Depuis son origine à Wall Street, la crise se propage au monde entier, provoquant l’augmentation du chômage et la décroissance de l’économie, avec un impact fort sur les classes sociales ayant de faibles revenus. Le traitement de la crise touche aussi « ceux d’en bas », aux Etats-Unis et dans le monde. Maintenant on veut faire intervenir l’Etat pour « nationaliser » les pertes dues à l’escroquerie des banquiers, investisseurs et spéculateurs du capitalisme dur construit sous l’hégémonie néolibérale.
On veut aujourd’hui nous convertir à la nouvelle doctrine : on prêche partout que le sauvetage du système financier est la seule option possible. Au début des années 70, James Tobin avait proposé que soit mis en place un impôt sur les transactions financières pour freiner la tendance à la spéculation qui s’installait déjà. A la fin des années 90, quand la spéculation et les mouvements de capitaux atteignaient des niveaux jamais vus, le réseau ATTAC est apparu, reprenant la proposition de Tobin pour envisager de destiner les 300 milliards de dollars de recettes prévues à l’amélioration du sort des classes défavorisées.
Aujourd’hui, à ATTAC Argentine, nous voulons manifester notre refus de la poursuite de la libéralisation qui prône la liberté de circulation des capitaux, des marchandises et des services. Nous affirmons qu’il est temps de penser un nouveau système de relations sociales dans l’économie. Pour éviter que la crise n’affecte les peuples du monde, il est nécessaire de dénoncer avec force cette politique de saccage et de manipulation sociale. Nous proposons aussi que soit mené un travail de réflexion sur l’articulation du social et du politique pour faire naître l’Autre Monde Possible réclamé par le Forum Social Mondial depuis son début à Porto Alegre en 2001.
Faire de ce monde une réalité suppose de construire une autre intégration régionale, en promouvant des instruments économiques, sociaux et culturels se rapprochant de notre aspiration à satisfaire les besoins populaires par un développement économique indépendant de la logique capitaliste qui, aujourd’hui, est l’objet d’un questionnement au niveau mondial. ATTAC Argentine appelle au rassemblement de toutes les forces populaires dans le Mouvement Oui des Peuples (MoSIP) ; dans le Tribunal Permanent des Peuples (TPP) contre les multinationales et les politiques néolibérales ; et dans la construction d’un mouvement pour la Constituante Sociale qui aura lieu les 23 et 24 octobre à San Salvador de Jujuy (ville du Nord-Ouest de l’Argentine, note du traducteur).
Comme le proclame le Forum Social Mondial, Un autre monde est possible si nous luttons pour lui.
Non au paiement de la dette publique extérieure. Oui à la vie.
Buenos Aires, 1er octobre 2008
ATTAC Argentina/Buenos Aires Av. Corrientes 1515 6to piso « A » - Capital Federal (011) 4371-0538 interro_liens_callback