Le tournant représenté par Seattle a eu pour conséquence de donner aux mouvements de contestation de l’ordre néolibéral de nouvelles responsabilités. Parmi celles-ci, la mise en avant de propositions alternatives devient un facteur important pour renforcer la crédibilité de ce combat et donc des rapports de force que nous voulons construire. C’est dans ce cadre qu’il nous faut avancer sur la question des clauses sociales et environnementales.
L’objectif est de contrer la remise en cause des droits sociaux par les gouvernements et de faire respecter, à l’échelle d’une planète mondialisée, les droits universels que l’Organisation internationale du travail (OIT) s’est attachée à codifier sous forme de conventions. Un socle minimal universel - qui, dans beaucoup de pays, est complété par des acquis sociaux à préserver - doit comprendre les conventions suivantes :
n° 1 sur le temps de travail
n° 29 et n° 105 contre le travail forcé ou obligatoire ;
n° 87 sur la liberté syndicale ;
n° 98 pour le droit d’organisation et de négociation collective ;
n° 100 pour l’égalité de rémunération entre femmes et hommes ;
n° 111 contre toute discrimination dans l’emploi ;
n° 138 sur l’âge minimum et le travail des enfants ;
n ° 26 et n° 131 sur le salaire minimum.
On peut y rajouter d’autres conventions sur la norme minimale de sécurité sociale (n° 102), sur la protection de la maternité (n° 103), ou sur la politique sociale (n° 117). L’instauration réelle de ces droits sociaux est évidemment un objectif légitime minimal qui fait partie de l’essence même du projet d’Attac.
Concernant les normes environnementales, il s’agit, en particulier, de faire respecter les accord de Montréal, les conventions de Rio et de Kyoto et, plus largement, de ne pas séparer le développement économique de la préservation de l’avenir de la planète.
1.- DEUX DIFFICULTES ET UN PREALABLE
La première difficulté renvoie aux divisions qui existent sur ce sujet non seulement entre les gouvernements, mais également entre les différents mouvements engagés contre la mondialisation libérale, et qui recoupent, mais seulement en partie, pays du Nord et pays à bas salaires, notamment ceux du Sud. Il apparaît donc difficile a priori de trouver une solution qui fasse consensus, et ce débat risque donc d’affaiblir le front qui s’était construit à Seattle.
La seconde, plus importante encore, renvoie au fait que cette question ne peut être isolée d’une autre, plus vaste : celle du modèle de développement des pays du Sud. Aujourd’hui, le bilan de vingt ans d’ajustement structurel montre que le modèle libre-échangiste va à l’encontre de leurs intértêts. Mais, dans le même temps, ce sont plusieurs grands pays du Nord, dont les Etats-Unis, qui veulent subordonner les échanges commerciaux au respect de clauses sociales et environnementales. Le choix fait par beaucoup de pays à bas salaires du tout-à-l’export ne tombe pas du ciel. Il résulte, pour l’essentiel, de la nécessité de trouver des devises pour payer la dette. Cette orientation a été imposée par le FMI à travers les programmes d’ajustement structurel, et elle est soutenue activement par les groupes de pression intéressés à l’ouverture de nouveaux marchés (que sont aussi les pays du Sud) et de nouveaux réservoirs de main-d’œuvre bon marché. Elle résulte aussi parfois de choix délibérés des gouvernements de certains pays et se traduit par la destruction des agricultures vivrières, démarche à laquelle il faut opposer le droit des peuples à se nourrir eux-mêmes.
Tant qu’il n’est pas offert à ces pays une alternative globale au tout-à-l’export, toute mesure perçue à tort ou à raison comme “ protectionniste” de la part des pays du Nord sera interprétée comme un double langage consistant à dire, d’un côté, “ il faut nous acheter beaucoup ” et, de l’autre, “ il ne faut pas nous vendre trop ”.
C’est pourquoi la seule référence à des clauses sociales ne suffit pas. Il faut, en préalable, les insérer dans un ensemble qui donne des garanties aux pays les plus pauvres, et qui fonde une sorte de contrat social mondial autour des éléments suivants :
– annulation de la dette publique ;
- stabilisation du cours des matières premières ;
– refus du dumping agricole et alimentaire des pays industrialisés, par le biais de mécanismes d’aides directes et indirectes aux exportations ;
– taxation de la spéculation sur les monnaies (taxe Tobin) dont une partie importante devrait revenir au Sud ;
– accords de coopération commerciale ;
– transferts de technologie, notamment en matière de production d’énergie ;
– rétablissement, puis augmentation de l’aide publique au développement pour la construction d’infrastructures.
Il s’agit, en substance, de tendre vers un nouveau mode développement, plus autocentré, qui vise à développer et satisfaire la demande interne plutôt que les exportations à outrance. Sur le fond, c’est bien cette démarche qu’ont adoptée les centrales syndicales internationales (CISL, CMT et CES) dans leur déclaration du 10 février 1994. Elles affirment que les clauses sociales désignent autant « de principes que l’on s’attend légitimement à voir respectés par les gouvernements de tous les pays, quel que soit leur degré de développement ».Cette déclaration insiste avec raison sur l’idée que la mise en œuvre des clauses sociales devrait “ s’inscrire dans l’effort constant nécessaire à une croissance accélérée des pays en développement, par l’éradication du problème de la dette extérieure, l’amélioration du système de fixation du prix des matières premières, et la suppression des obstacles à leurs exportation”.
Au-delà, la question des normes sociales et environnementales ne peut être dissociée de celle de la place des êtres humains et de la préservation de la biosphère dans les processus économiques. Alors que le capital tend à les soumettre à sa logique de valorisation maximale, Attac se bat pour un monde dans lequel les êtres humains puissent dominer les processus économiques dans le cadre d’un développement soutenable pour les générations futures. Dans ces conditions, il faut considérer que sont parties intégrantes du patrimoine commun de l’humanité - et donc non marchandisables - l’air, l’eau, le génome et la transmission des connaissances.
2.- D’ABORD DEGONFLER LA “ BULLE COMMERCIALE ”
La question des normes sociales et environnementales ne s’est récemment posée avec acuité que parce qu’elle s’est trouvée liée aux négociations à l’OMC. Certains ont en effet considéré que, faute d’autres mécanismes crédibles pour les imposer, c’est par le biais de conditionnalités appliquées au commerce international qu’elles pouvaient commencer à être mises en œuvre. Si cette approche est loin de faire l’unanimité, elle a au moins le mérite de soulever le problème - rarement abordé de front - du rôle du commerce dans l’ordre néolibéral. Ce n’est pas pour rien que des trois “libertés” de la mondialisation - circulation des capitaux, investissement et échanges de biens et de services - c’est la dernière à laquelle les institutions financières et les transnationales sont le plus attachées.
En favorisant l’extraversion généralisée des systèmes productifs - les pays ou ensembles régionaux ne maîtrisant ni leurs intrants ni leurs débouchés - les libéraux ont compris plus vite que d’autres qu’ils diminuaient d’autant la capacité d’intervention des Etats, déconstruisaient les collectifs et se ménageaient ainsi des marges de manœuvre supplémentaires. Le développement autocentré - qui ne signifie nullement autarcie - renvoie non seulement à un impératif social (par exemple en termes de sécurité alimentaire), mais également à un impératif démocratique : le périmètre des flux économiques et financiers doit se rapprocher le plus possible du périmètre de la décision politique. Or la tendance est exactement inverse puisque le rythme de croissance du commerce international au cours des dix dernières années a été constamment plus élevé que le rythme de la croissance de la production mondiale ( parfois dans un rapport de 1 à 5) : c’est la “bulle commerciale”.
Une grande partie de ces flux commerciaux sont parfaitement parasitaires - on s’achète et se vend souvent les mêmes biens - et ils ont des conséquences catastrophiques pour l’environnement : dilapidation d’énergies non renouvelables par la prolifération des transports, pollution, effet de serre, etc. Le dégonflement de la “bulle commerciale” est donc aussi un impératif écologique.
La réflexion des mouvements sociaux doit donc s’affranchir du paradigme libre-échangiste afin de ne pas seulement déplorer les effets, mais aussi de s’interroger sur les causes. Cela doit conduire, en particulier, à réfléchir au niveau souhaitable de commerce international. Il serait peu cohérent de préconiser des régulations en matière financière et, en même temps, de s’en remettre aux seules “ lois du marché” en matière commerciale.
Sans être un préalable absolu à la discussion sur l’articulation entre clauses sociales et sanctions (commerciales ou autres), une réflexion commune au Nord et au Sud sur le commerce et ses limites pourrait sérieusement déblayer le terrain.
3.- TROIS PRINCIPES
Si la discussion sur le contenu et les modalités de mise en œuvre des clauses sociales et environnementales doit être approfondie, et reste donc un sujet de débat (voir plus loin), la réflexion disponible conduit à mettre en avant trois grands principes : récuser l’OMC qui ne peut avoir aucune légitimité pour la défense des droits sociaux, sanctionner d’abord les multinationales qui ne respectent pas les normes sociales, balayer d’abord devant notre porte pour préparer des alliances transnationales.
Premier principe : récuser l’OMC
Quelle que soit la position que l’on prenne par ailleurs sur l’introduction de normes sociales et environnementales dans les accords commerciaux, on peut avancer une position de méthode : leur non-respect doit être apprécié directement, et non mesuré à travers les coûts de production. L’OMC n’a donc aucune compétence particulière en la matière.
De par son histoire, son mode de fonctionnement et sa charte qui vise à développer le libre-échange et la marchandisation de toutes les activités humaines, l’OMC ne saurait être l’institution chargée de faire respecter des droits sociaux fondamentaux. Dans le meilleur des cas, elle ne peut être qu’une institution visant à égaliser les conditions de la concurrence entre les firmes.
De plus, parce qu’elle est un instrument aux mains des STN, l’OMC tendrait inévitablement à utiliser le prétexte des clauses sociales pour instituer un protectionnisme illégitime à l’égard des produits des pays du Sud non contrôlés par les transnationales. Lui confier le rôle de gardien des normes sociales reviendrait à lui attribuer une nouvelle légitimité, celle de protectrice des droits de l’homme. L’édifice néolibéral se trouverait complété, et le commerce deviendrait le support de la morale.
Ce qui a été développé ici sur les normes sociales peut s’étendre aux normes environnementales. Dans la mesure où l’OMC assure la promotion d’un commerce visant au profit maximal immédiat, elle ne peut prétendre assurer un rôle de protection de l’environnement dans la perspective d’un développement durable. La définition des normes et clauses environnementales est effectuée par des pays qui sont les plus pollueurs du monde et qui, au nom de cette “ avance ” ont décrété que les autres pays ne pourraient pas suivre le même chemin. Dans ce cadre, Attac s’oppose catégoriquement à la création d’un marché mondial de “ permis de polluer ”, sur lequel les pays du Sud pourraient venir vendre leurs quotas pour disposer de recettes leur permettant, par exemple, de payer la dette.
Deuxième principe : sanctionner les sociétés transnationales ( STN)
Il faut d’abord poser le principe que le droit international et les conventions sur le travail existent et qu’ils doivent être respectés en tant que tels. Il convient de créer les conditions socio-politiques de leur mise en application.
Il est nécessaire, pour cela, de partir de la réalité du commerce mondial. Le débat sur les clauses sociales renvoie le plus souvent à une représentation dépassée du commerce mondial qui revient à oublier les société transnationales (STN) comme acteurs de la mondialisation. La thèse selon laquelle les emplois partiraient massivement du Nord pour se retrouver dans les pays à bas salaires, en quelque sorte aspirés par leur concurrence déloyale, est largement caricaturale. Le gros du commerce mondial se réalise entre pays développés, les pays dits émergents représentant -sauf exception - une faible partie des importations des pays riches et même des flux de capitaux.
A de rares exceptions près - mais qui, justement, n’existent que comme exceptions non généralisables et souvent éphémères - les pays à bas salaires créent moins d’emplois après l’ouverture qu’avant, et ce déséquilibre se retrouve d’ailleurs dans les chiffres de la balance commerciale. Voilà une nouvelle raison pour ne pas tout focaliser sur une concurrence déloyale qui concerne seulement quelques secteurs à forte intensité de main d’œuvre.
Mais surtout, la représentation dominante donne à penser que les relations commerciales se font de pays à pays, et que, par exemple, les firmes des pays du Sud exportaient des produits compétitifs grâce à leur non-respect des normes sociales. Les choses ne se passent pas du tout ainsi : les exportations des pays du Sud vers le Nord sont, pour plus des deux tiers, réalisées par les STN ou leurs filiales. Or, celles-ci s’installent de préférence dans des pays qui offrent, outre des avantages fiscaux et financiers, de bas salaires, des syndicats faibles et des droits sociaux absents ou limités, et une législation environnementale laxiste.
Lorsqu’elles s’installent dans un pays où les travailleurs ont des avantages sociaux, au moins dans certaines branches, elles les remettent en cause et s’efforcent de démanteler les syndicats comme cela a été le cas en Uruguay pour Gaseba, rachetée par Gaz de France. Les STN ont, un peu partout dans le monde, et même au Nord , suscité la création de zones franches où ne s’appliquent plus le droit du travail ou le droit fiscal du pays d’accueil. Quand, au Brésil, l’Etat de Rio Grande do Sul a refusé de subventionner la venue d’une usine Ford, la firme automobile a choisi de s’implanter dans un Etat moins exigeant. Est-ce lui qu’il faut sanctionner ou Ford qui profite de son pouvoir pour exiger des avantages exorbitants ?
Attac insiste sur la nécessité de dénoncer tout autant le comportement des STN en matières de droits sociaux que celui de certains Etats non démocratiques. S’en remettre à l’OMC pour sanctionner le non respect de normes sociales reviendrait, au fond, à blanchir l’action des STN. Dans un tel système, on sanctionnerait (à juste titre) la Birmanie pour autoriser le travail forcé, mais pas Total qui utilise cette main-d’œuvre pour la construction d’un oléoduc.
Cette discussion permet de dégager un deuxième principe : toute sanction doit porter autant sur les entreprises qui tirent avantage du non-respect des normes sociales que sur le pays récepteur. C’est la condition de leur efficacité. C’est aussi la condition pour la mise en place de convergences avec les mouvements sociaux du Sud qui pourraient se servir des décisions d’institutions internationales pour mieux faire avancer leur combat en faveur des droits sociaux.
Troisième principe : balayer d’abord devant sa porte
Pour que la lutte en faveur de normes sociales et environnementales repose sur de nouvelles alliances Nord/Sud, et pour qu’elle contribue à l’amélioration des conditions de vie et de travail dans l’ensemble du monde, elle doit aussi mettre en évidence et en accusation l’hypocrisie des gouvernements du Nord sur le sujet.
Cela passe d’abord par des campagnes en direction des gouvernements qui se déclarent favorables aux clauses sociales, mais n’ont pas ratifié, ou n’appliquent pas les conventions de l’OIT. Pour ne prendre qu’un exemple, la convention 138 sur le travail des enfants n’a pas été ratifiée par des pays développés comme le Danemark, le Royaume-Uni, le Japon, le Portugal, l’Autriche, les Etats-Unis, le Canada, l’Australie ou la Suisse. Dans certains de ces pays, comme le Royaume-Uni, le travail des enfants est une réalité. Quelle crédibilité peut-on alors accorder à des Etats qui prétendent sanctionner ailleurs des entorses aux droits élémentaires qu’ils n’arrivent pas à garantir chez eux ? Ainsi, en France, plus de 20 000 représentants syndicaux sont licenciés chaque année.
Ce type de campagne est d’autant plus nécessaire que les salariés des pays du Nord sont les cibles d’une offensive visant à remettre en cause les droits sociaux existants.
4.- QUELS OBJECTIFS, QUELLE STRATEGIE ?
Notre objectif central doit être de construire une alliance internationale des différents mouvements, associations, ONG, organisations syndicales qui luttent contre la mondialisation libérale dans les pays du Nord et dans les pays à bas salaires.
Favoriser des campagnes de mobilisation internationales ciblées
De manière générale, il s’agit de favoriser l’expression autonome des mouvements sociaux dans les pays du Sud, d’œuvrer à leur renforcement et de construire des perspectives que les associations, ONG et syndicats puissent reprendre à leur compte dans ces pays . Un modèle sur lequel il est loisible de réfléchir, même s’il renvoie à des réalités très différentes, est le boycott de l’Afrique du Sud qui s’est fait avec l’assentiment et le soutien des organisations sociales sud-africaines luttant contre l’apartheid. Il faut donc construire ensemble, pays à bas salaires et pays du Nord, des perspectives de mobilisations répondant à cet objectif.
Fondamentalement, la lutte pour l’imposition de normes sociales et environnementales doit devenir une lutte internationale tournée vers les STN qui sont les premiers bénéficiaires de leur non-respect. Il faut donc révéler des faits que les STN souhaitent vouloir cacher et créer ainsi des mouvements de l’opinion publique qui les mettent sous surveillance. Il s’agit donc de trouver des cibles particulièrement visibles et symboliques permettant une mobilisation internationale efficace. Un bon exemple en est la campagne contre Nike aux Etats-Unis ou le boycott de la Shell en Allemagne. Ce type de mouvement peut permettre de créer progressivement une opinion publique internationale agissant comme acteur politique sur les gouvernements et les STN.
Créer des contre-pouvoirs
Ces mobilisations ponctuelles, pour importantes qu’elles soient, sont très insuffisantes. Les différents mouvements de lutte contre la mondialisation libérale doivent se doter de lieux disposant d’une légitimité forte dans les opinions publiques. L’exemple à étudier peut être celui du Tribunal Russell, et l’on pourrait, dans cette logique, envisager la création d’un Tribunal international composé de personnalités incontestables. Une telle institution n’aurait évidemment aucune valeur juridique, mais elle pourrait servir de point d’appui et de référence morale lors des campagnes contre les gouvernements et les STN.
Il serait indispensable de doubler un tel tribunal d’un réseau d’observatoires associant syndicats, ONG, juristes, etc., chargés d’effectuer une évaluation indépendante de la réalité des situations vécues, d’ engager des campagnes de dénonciation et d’assurer ainsi l’émergence d’un contrôle citoyen. Ces lieux constitueraient un réseau de contre-pouvoirs renforçant le travail en commun des différents mouvements et consolidant leur alliance.
Agir sur les institutions internationales
Notre objectif doit être de faire reconnaître la supériorité juridique des droits sociaux et des normes environnementales sur le droit du commerce et de doter de pouvoirs effectifs et contraignants les institutions qui en sont en principe chargées, l’OIT, la CNUCED, le PNUE et le PNUD. Remettre en cause la supériorité du droit commercial sur les autres droits exige donc une réforme en profondeur des institutions internationales, de leur rôle, de leur hiérarchie. D’où la nécessité d’articuler des campagnes, à caractère international, d’interpellation de ces institutions et de pression sur les gouvernements nationaux pour qu’ils reprennent un projet de ce type. Attac participera activement à ces campagnes.
Il faut donc utiliser tous les instruments disponibles, y compris dans le champ des institutions gouvernementales. Cette bataille sera d’autant plus facile à conduire que nous aurons été capables de mener des campagnes de mobilisation internationale contre les STN et de construire de réels contre-pouvoirs ayant acquis une légitimité indiscutable dans les opinions publiques.
5.- CONTINUER À DEBATTRE
Les développements qui précèdent n’épuisent évidemment pas tous les débats. En particulier, il ne se prononcent ni sur la question de l’utilisation du commerce mondial comme levier pour imposer les normes sociales et environnementales, ni sur les différentes propositions techniques à mettre en œuvre dans ce cas. Par exemple celle d’une “taxe Lauré”, prélèvement variable sur les importations, à partir d’une combinaison modulable de critères sociaux et environnementaux, et dont le montant serait restitué à des organismes nationaux ou régionaux du pays exportateur.
Il convient également, à partir d’indicateurs déjà élaborés ou à élaborer par les institutions internationales appropriées, de réfléchir à des systèmes de “notation” de firmes et de pays, en fonction de leur respect des normes sociales et environnementales, auxquelles on pourrait d’ailleurs ajouter le respect des droits humains. Ce système d’agences de notation existe déjà pour évaluer la qualité ou le degré de risque de la “signature” des entreprises et des pays s’adressant aux marchés financiers. Les “notes” ainsi décernées constitueraient des arguments importants dans les mobilisations évoquées plus haut.
De même la question des “codes de bonne conduite” des STN impose clarification et discussion.
Enfin, en refusant de céder au terrorisme intellectuel libéral, il convient de “revisiter” le terme de protectionnisme, pour éviter de l’invoquer à tort et à travers, et pour faire le départ entre les protections parfaitement légitimes et nécessaires, tant au Sud qu’au Nord, et les pratiques commerciales que l’on peut qualifier de “déloyales”.
Le débat sur ces points, sur ceux qui précèdent et sur d’autres qui ne sont pas abordés ici, ne fait que commencer. Il doit non seulement se mener au sein d’Attac, mais aussi avec tous nos partenaires.
Paris, le 27 mai 2000