● Dans ton spectacle, qui présente les chansons de ton dernier album, Même pas foutus d’être heureux [2], tu commences par Sans la guerre. Un symbole ?
Rémo Gary – Oui, bien sûr. C’est la première du spectacle parce qu’elle plante le premier clou. Elle dit, en quelques mots, que la paix s’obtient par un travail quotidien, par le respect de la démocratie. Elle rappelle combien il est nécessaire de protéger la paix, à chaque instant. C’est une chanson chargée d’espoir. La musique de Romain Didier y est limpide ; elle porte les mots et les magnifie, enfin je crois. Non seulement Romain Didier est un très beau chanteur, mais c’est aussi un grand compositeur, qui a largement participé à l’aventure de ce dernier CD. Je travaille avec lui régulièrement.
● Tournes-tu avec les musiciens qui ont participé à ton dernier CD ?
R. Gary – Oui, j’ai cette chance de jouer avec Joël Clément ou Clélia Bressat-Blum. Parfois, nous sommes tous les trois. Dans la formule à trois, quand l’un des deux est au piano, l’autre attrape un accordéon, une flûte, une percussion. Il y a aussi des duos d’accordéon et des quatre-mains au piano. On a travaillé en équipe ; ils ont composé, mais également arrangé certaines musiques de mon dernier CD. Il y a là une véritable complicité.
● Depuis la chanson fleuve de Richepin, Les Trois Matelots de Groix [3], on connaît ton intérêt pour ce poète du xixe siècle. Là, tu lui consacres un CD entier…
R. Gary – Oui, comme le dit la chanson, je suis Client chez Richepin depuis des années. Je lis et je relis ses poésies, ses textes et je suis en découverte perpétuelle. Jean Richepin était en révolte contre la morale bourgeoise et la religion. Ses mots portent loin des carcans et des idées reçues. Il est le révélateur d’une poésie populaire, riche et exigeante, qui rappelle que la chanson a longtemps servi de chronique sociale avant l’apparition de l’enregistrement. Cela fait bien dix ans que je voulais faire ce CD. C’est un pari. Personne ne réclame ce genre de proposition artistique. Les médias réclament le contraire de cela. Ce n’est même pas de la chanson ; c’est de la poésie chantée, peut-être. En tout cas, moi, cela me soulève et j’essaie de le partager.
● Derrière les mots de Richepin, mais aussi dans tes textes, on voit poindre tes idées, tes engagements. Dirais-tu que tes chansons sont des chansons engagées ?
R. Gary – Je ne sais pas trop. Les chansons parlent d’engagement, mais elles ne sont pas engagées en elles-mêmes. Bien sûr, à titre individuel ou collectif, on peut être touché par une chanson, au point de changer un peu son jugement sur les choses. Après, de quel engagement s’agit-il ? Pour qui, pour quoi ? Alors, je ne sais pas si les miennes le sont. Elles parlent de vie, de social, de politique, d’histoire. Mais aussi de sentiments. En fait, je n’aime pas trop qu’on les qualifie de chansons engagées. Parce que j’essaie de faire aussi en sorte qu’elles soient dégagées, c’est-à-dire qu’elles s’élargissent à faire de la poésie. Dire encore plus fort les choses en essayant de les dire du mieux possible. Je ressens cela chez Aragon, par exemple : allier le plus de sens et le plus de forme. Je ne sais pas si c’est bien de faire cela, ni si j’y parviens, mais j’essaie. Les slogans des manifestations, ce n’est pas vraiment de la poésie, heureusement ! C’est pour cela qu’on ne peut se satisfaire d’un engagement qui ne soit qu’artistique.
● Membre d’un comité NPA en Rhône-Alpes, est-ce que tu milites depuis longtemps ?
R. Gary – Je suis militant à la LCR depuis quatre ans. Le NPA, c’est un tournant, ou plutôt un moment où la route s’élargit. J’en suis partie prenante. Si on réussissait à bâtir une grande force d’extrême gauche avec le NPA, je serais content d’y avoir mis mon grain de sel comme citoyen, et un peu avec mes chansons. J’ai aussi mené d’autres luttes, notamment pour la défense du statut d’intermittent, en 2003. J’ai fait grève avec les techniciens ; peu d’artistes étaient en grève. J’ai fait grève, avec prises de parole sur scène à la place des spectacles, afin d’expliquer nos revendications. Il y a deux ans, j’ai accompagné l’action de l’association Oser [4] dans une lutte longue et dure, en mars 2007, contre les pouvoirs publics qui avaient cessé brutalement de financer l’association afin de condamner le centre d’hébergement. Cette action dura 81 jours, on a campé devant la préfecture, dormi sous la tente, espéré, lutté et chanté ensemble. Je milite chaque fois que cela me semble juste. Et si le fait d’être militant ferme certaines portes, cela en ouvre d’autres, celles de la compréhension des choses, et cela donne de la force pour chercher des mots nouveaux et les chanter.
● Tu parles de « mots nouveaux », écris-tu déjà de nouvelles chansons ? As-tu des projets ?
R. Gary – Je lis et j’écris chaque jour. Je cherche des mots nouveaux, mais aussi de nouveaux poètes. En ce moment, il y a un certain Raoul Ponchon qui me tarabuste. C’est un auteur, un poète et ami de Jean Richepin, mais c’est encore un peu tôt pour en dire davantage. Parfois, je rêve d’écrire une anthologie chantée des poètes méconnus, mais il faut du temps. Je pleut : c’est une nouvelle chanson que je teste. Je suis en train de terminer J’ veux me saouler à l’utopie. Je la chanterai dans mes prochains spectacles, car l’essentiel est de chanter, de donner et de partager avec le public.
DISCOGRAPHIE
Sous le nom de Rémi Garraud :
1983 : Archives (vinyl 33 tours autoproduit).
1989 : Un bizet sur la bouche (cassette autoproduite).
Sous le nom de Rémo Gary :
1991 : Desideratum (CD RG-Réseau printemps RG).
1996 : L’Appel du petit large (Mobi Dick).
1998 : La Rue du monde (Juste une trace).
2000 : 14 (Juste une trace).
2002 : Quand le monde aura du talent (Juste une trace).
2005 : Le Petit Matin (Juste une trace).
2007 : Même pas foutus d’être heureux,
double CD livre (Juste une trace/L’autre distribution).