
Le Brun des pélargoniums. Cliché Thierry Laugier.

Le Brun des pélargoniums. Cliché Thierry Laugier.
C’est d’un papillon exotique que je vais vous entretenir .
Un papillon exotique chez nous, en pleine agglomération parisienne ? Oui, parfaitement !
Ne croyez pas, toutefois, que, par la faveur du réchauffement climatique, Ornithoptères, Danaïdes et autres Morphos aient envahi l’Ile de France …
Il s’agit, en fait, d’un bien modeste Lépidoptère.
Son nom : le Brun des Pélargoniums, Cacyreus marshalli en latin.
Mais passons aux présentations.
Qui est-il ?
Ce papillon est, à première vue, un des plus discrets qui soient. D’une envergure d’à peine deux centimètres, son dessus est uniformément brun-noir avec quelques reflets rougeâtres.
C’est dire s’il semble, de prime abord, insignifiant…
Mais ne nous limitons pas à cette première (et fausse impression), et approchons-nous. Nous avons affaire à un papillon sensiblement différent de ceux que nous avons l’habitude de voir en Europe . Il est même très beau, avec ses deux fines « queues » aux ailes postérieures. Celles-ci n’ont pas qu’une finalité esthétique, et servent de leurres aux prédateurs éventuels ; elles miment, en effet de fausses antennes -et l’illusion est encore accentuée par la présence d’ocelles, à leur base, imitant des yeux. Le prédateur (un oiseau, par exemple) croit avoir attrapé la tête du papillon, mais doit constater, tout penaud, que ce dernier a réussi à s’échapper…
En outre, lorsqu’il referme ses ailes, il laisse voir un dessous gris, finement marbré de brun et de blanc, qui lui offre un excellent camouflage (on parle d’une coloration cryptique).
Mais reste à découvrir le plus intéressant : l’histoire de ce papillon.
D’où vient-il ?
Ce minuscule papillon nous vient d’Afrique du Sud, plus précisément de la province du Cap.
Les premiers spécimens observés en Europe l’ont été en 1990, aux Baléares : sa chenille avait été acheminée avec des pieds de pélargoniums (le géranium ornemental) : un « passager clandestin » en bonne et due forme !
Dès lors, lentement, mais sûrement, notre envahisseur minuscule poursuit sa conquête de l’Europe.
On le trouve en 1991, en Belgique, à Anderlecht (près de Bruxelles). Depuis 1992, il est trouvé régulièrement en Espagne et en Italie, toujours dans les jardins hébergeant des pélargoniums.
C’est à partir des années 1997-1998 que Cacyreus marshalli s’attaque à la France. D’abord confiné aux régions méditerranéennes (Provence, Languedoc), il s’étend vers le Sud-Ouest en 1999 et, simultanément, poursuit sa conquête vers le nord ; je le rencontre personnellement chaque année à la frontière du Gard et de l’Ardèche (vallée de la Cèze dans sa partie cévenole), dans une région de climat franchement continental (étés quasi-sahariens, hivers courts, certes, mais avec quand même 3 mois de gels nocturnes !)
Sa présence en région parisienne, a, de même été confirmée par plusieurs observations depuis cinq ans… la dernière en date ayant été effectuée, justement, au Parc des Beaumonts de lors d’une de nos sorties le 30 août 2008 .
Il ne s’agissait pas de spécimens isolés : d’autres, en quantité raisonnable il est vrai, on été vus lors de notre sortie du 20 septembre ; j’en ai encore retrouvé d’autres le 11 octobre 2008.
Où le trouver ?
Les observateurs noteront que ce papillon ne se rencontre que rarement en rase-campagne et reste inféodé aux agglomérations, si modestes soient-elles.
La raison en est simple : ses chenilles se nourrissent essentiellement de différents pélargoniums ornementaux.
D’ailleurs, il suffit de regarder les balcons et jardinets entourant le site des Beaumonts pour constater que le pélargonium y est généreusement présent à la belle saison.
Si nous n’avons pas la chance de trouver l’imago (= le papillon proprement dit) inspectons méthodiquement les fleurs et feuilles des pélargoniums. Nous nous apercevrons que certaines sont considérablement dentelées et découpées.
Avec un peu de ténacité (et de bons yeux !), nous verrons peut-être les œufs minuscules, de l’ordre du millimètre, mais suffisamment clairs pour être visibles. En insistant bien, nous découvrirons peut-être la chenille. De moins de 1 cm de long, glabre, plus ou moins piriforme, elle se distingue par une coloration verte, avec quelques rayures brun-rose, qui lui garantissent une bonne protection contre les prédateurs.
Famille et parenté
Le « brun des pélargoniums » appartient à la famille des Lycénides (LYCAENIDAE) .
Cette famille de papillons comprend une soixantaine d’espèces subdivisées en 3 sous-familles :
1. la sous-famille des Lycaeninae (Cuivrés) dont les représentants les plus connus sont l’Argus satiné (Heodes virgaureae), le Cuivré mauvin (Lycaena alciphron), ou le Cuivré commun (Lycaena phlaeas),
2. la sous-famille des Theclinae (Théclas), tels le Thécla du Bouleau (Thecla betulae), le Thécla de l’Yeuse (Satyrium ilicis) ou l’Argus vert (Callophrys rubi),
3. la sous-famille des Polyommatinae (Azurés), la plus nombreuse comprend des papillons à dominante bleue tel l’Argus (Plebejus argus) ou l’Argus bleu nacré (Lysandra corydon) ; le « Brun des pélargoniums » y est également rattachée.
Perspectives d’avenir
Autant le dire tout de suite, le Brun des Pélargoniums a encore de beaux jours devant lui. Tant que l’évolution climatique actuelle se poursuivra et que le Pélargonium continuera d’avoir les faveurs des jardiniers, amateurs ou confirmés, rien n’arrêtera la marche vers le nord de ce minuscule envahisseur.
Thierry LAUGIER
Et, en commentaire, par André Lantz,
voici le brun les ailes repliées :

Le Cacyreus marshalli, les ailes repliées. Cliché André Lantz.
Cette espèce a effectivement été observée à la fin de l’été aux Beaumonts. Je l’ai aussi retrouvée au milieu du bois de Vincennes cette année, ce qui est un peu plus exceptionnel, car plus éloigné des habitations et des pélargoniums.
Aux Beaumonts et au milieu du bois, l’adulte butine très souvent les fleurs de luzerne ou de trèfle.
Commentaire par Lantz André Lantz, 9 février2009.
Le Brun du Pélargonium au parc des Beaumonts
(première note en date du 17
Cacyreus marshalli (le Brun du Pélargonium).
Papillon originaire d’Afrique du Sud et des iles de l’Océan Indien, il a été introduit en Europe accidentellement, avec des plants de pélargonium (« géranium »).
Signalé des Baléares en 1997, on le trouve dans le midi deux ans plus tard.
Il poursuit inexorablement sa marche vers le nord et part à la conquête de l’Ile de France vers 2005 ; ce qui nous vaut aujourd’hui de le trouver au Parc des Beaumonts, où il semble s’être bien enraciné depuis le mois d’août 2008.
Affaire à suivre…..