La Coalition d’ONG internationales contre la torture (CINAT) se félicite de l’initiative de Mme Louise Arbour, Haut-commissaire des Nations Unies aux Droits de l’homme, faisant de la lutte contre la torture le thème central du 10 décembre de cette année, Journée internationale des droits de l’homme.
Dans ce contexte, la CINAT souhaite rappeler aux Etats que la prohibition de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (mauvais traitements) est absolue et qu’elle constitue une norme imprescriptible du droit international.
Aucune personne, aucun Etat n’en est exclu, et tous doivent la respecter en tout temps, en tous lieux et en toutes circonstances.
La lutte contre le « terrorisme » est devenu l’objectif dominant des législations, des politiques et des pratiques de nombreux gouvernements. Mais au lieu d’agir à la fois contre le terrorisme et contre la torture et les mauvais traitements, plusieurs Etats, au nom de la sécurité nationale et internationale, s’en prennent au cadre juridique existant contre la torture. La CINAT tient à réaffirmer que la violation du droit fondamental à ne pas être torturé ou soumis à d’autres mauvais traitements affaiblit l’objectif consistant à sauvegarder la sécurité.
Les mesures contribuant à saper et à circonvenir la prohibition absolue de la torture et d’autres mauvais traitements, prises dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, préoccupent gravement la CINAT : certains Etats torturent ou font subir de mauvais traitements à des personnes soupçonnées de participation à des actes terroristes ; d’autres ont « délégué » la torture et autres mauvais traitements à des pays tiers ; d’autres encore font usage, entre autre dans les procédures judiciaires, de déclarations obtenues en violation de cette interdiction. Certains Etats manifestent une tendance croissante à transférer des personnes dans des pays où elles courent un risque réel d’être soumises à la torture ou aux mauvais traitements, alors que d’autres ont recours à des « assurances diplomatiques » ou à des accords visant à contourner le principe de non-refoulement. Il est également prouvé que, de plus en plus fréquemment, certains Etats transfèrent des personnes dans des centres de détention secrets, échappant aux procédures légales, et les privent par là de toute possibilité de recours juridique contre leur détention et les exposent au risque de la torture ou d’autres mauvais traitements.
Préoccupée par l’érosion du caractère absolu de cette prohibition et d’autres mesures de sauvegarde des droits de l’homme, la CINAT appelle tous les Etats à respecter leurs obligations internationales de ne pas torturer et de prévenir la torture et autres mauvais traitements, et notamment celles de ne pas refouler, extrader ou transférer d’aucune autre manière les personnes se trouvant sous leur juridiction vers des pays où elles courent le risque d’être soumises à la torture ou à d’autres mauvais traitements, à ne pas utiliser, transmettre et/ou admettre dans aucune procédure des informations obtenues, ou susceptibles d’avoir été obtenues sous l’effet de traitements prohibés, à l’exception des procédures menées contre une personne soupçonnée d’avoir fait subir à d’autres de tels traitements, comme preuve que ces informations ont été obtenues.
La CINAT rappelle à tous les Etats qu’il importe de prendre des mesures efficaces pour prévenir la torture et autres mauvais traitements, notamment en faisant en sorte que toute personne arrêtée soit entendue sans retard par un juge, qu’elle ait accès, immédiatement après son arrestation, à un avocat de son choix, à un interprète en cas de besoin, à un médecin indépendant et à des visites de sa famille ou de tiers, et pour que ceux-ci soient informés de sa détention. La CINAT rappelle aussi aux Etats que la détention au secret, ou dans des lieux secrets, peut entraîner le risque de torture et de mauvais traitements et constituer en elle-même une forme de torture ou de mauvais traitement. Pour prévenir la pratique de traitements prohibés, les Etats devraient créer des mécanismes de prévention nationaux indépendants autorisés à visiter toutes les personnes dans tous les lieux de privation de liberté.
En outre, la CINAT rappelle aux Etats leurs obligations d’assurer aux victimes de la torture et de mauvais traitements des réparations efficaces et une indemnisation adéquate.
La CINAT prie instamment les gouvernements de soutenir le travail des experts des Nations Unies dans le domaine de la torture, des mauvais traitements et des conditions dans lesquelles cette pratique illégale se développe.
La CINAT recommande à tous les Etats qui ne l’ont pas encore fait de devenir partie au Pacte international relatif aux droits civils et politiques et à son Protocole facultatif, ainsi qu’à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, de reconnaître la compétence du Comité contre la torture selon l’article 22 de cette Convention, et de signer et ratifier son Protocole facultatif, qui constitue une étape de plus sur la voie de la mise en œuvre des obligations des Etats dans le domaine de l’interdiction absolue de la torture et des mauvais traitements. La CINAT est fermement convaincue que la mise en œuvre de cet instrument renforcera la capacité des Etats à prévenir la torture et les mauvais traitements grâce à des visites régulières et sans préavis de tous les lieux de détention.