Bruxelles,
La journée d’action, organisée le 6 octobre par les directions syndicales (FGTB, CSC, CGSLB), avait pour revendications principales le maintien de l’indexation des salaires, la baisse de 21 % à 6 % de la TVA sur l’énergie domestique (électricité, gaz, fuel) et un meilleur remboursement des frais de déplacement pour se rendre au travail.
La plupart des centrales syndicales avaient couvert les arrêts de travail par un préavis, ce qui, en Belgique, permet aux grévistes de toucher une indemnité. La journée a été une pleine réussite. Pratiquement tous les transports publics (trains, bus, trams, métros) étaient paralysés. La plupart des grandes usines étaient en grève, à l’exception de la métallurgie en Flandre, où l’appareil syndical s’est opposé à la grève.
Les salariés belges ont déjà mené, du 9 au 12 juin, une semaine de manifestations régionales pour la revalorisation du pouvoir d’achat [1]. Ces journées s’étaient déroulées sur un fond de crise gouvernementale prolongée, les partis au pouvoir (sociaux-chrétiens, libéraux et socialistes) se querellant, depuis plus d’un an, au sujet du contenu de la régionalisation, utilisée par la bourgeoisie pour diviser le mouvement ouvrier.
En Belgique, il existe une adaptation automatique des salaires et des allocations sociales au coût de la vie. Mais, depuis 1982, le mécanisme d’indexation a été faussé. Les prix de l’essence, du tabac et de l’alcool, n’entrent plus en ligne de compte dans l’indice de référence. Le logement est estimé, en moyenne, à 6 % du budget d’un ménage, alors qu’en réalité, il est bien supérieur. Depuis ces manipulations de l’indice, la perte salariale s’élève à plus de 150 euros par mois, sans compter les récentes hausses brutales des prix. De son côté, le patronat réclame la fin de l’indexation pour « sauvegarder la compétitivité des entreprises ». L’indexation des salaires et le pouvoir d’achat sont donc au centre des négociations sociales qui doivent s’ouvrir prochainement.
D’une manière générale, le problème en Belgique n’est pas de réussir une grève appelée par l’appareil syndical, mais de permettre aux travailleurs de prendre la direction de leur lutte et d’échapper au contrôle étroit de la bureaucratie syndicale, qui met souvent brutalement fin à la mobilisation dès qu’elle sent que la situation lui échappe.
La journée du 6 octobre se déroulait en pleine tornade boursière. Celle-ci risque d’ailleurs de peser sur la suite de la mobilisation. Nombre de travailleurs se rendent compte que les partis traditionnels, qui ne font rien pour le pouvoir d’achat et préfèrent se disputer depuis des mois sur les questions communautaires, se retrouvent tous dans un grand élan d’unité nationale pour voler au secours, avec l’argent des contribuables, des banques Fortis et Dexia. Les militants syndicaux de la poste et du rail constatent que la Commission européenne interdit toute aide de l’État à une entreprise publique, sous prétexte « de ne pas entraver la libre concurrence » et que la même Commission se tait, dans toutes les langues, quand le gouvernement renfloue les banques. L’actualité boursière a donc eu tendance à renforcer la mobilisation à la base.
Du côté des directions syndicales, c’est plutôt l’inverse. Tout en dénonçant la mauvaise gestion et les parachutes dorés, la direction de la FGTB a salué la prétendue nationalisation de Fortis par le gouvernement, refilée entre-temps à BNP Paribas… C’était pourtant une occasion rêvée de revendiquer la nationalisation de toutes les banques et la création d’une banque publique. Effrayées par l’ampleur du krach boursier, il n’est pas exclu que les directions syndicales sifflent la fin de la mobilisation sociale, malgré les nombreuses protestations de la base.