« Nouvelle gouvernance », « réorganisation territoriale », « logique managériale », « amélioration de l’efficience » : voilà le jargon employé par le nouveau directeur de l’Assistance publique-hôpitaux de Paris (AP-HP) pour justifier, en plein mois d’août, dans une note interne, son projet de déstructuration des 38 hôpitaux en treize regroupements hospitaliers concurrents.
En bon manager, Benoît Leclerq veut devancer la prochaine « réforme » hospitalière, la loi « Hôpital, patients, santé et territoire », discutée à l’automne (voir ci-dessous), en découpant l’AP-HP en territoires sanitaires, afin de fermer de nouveaux services, d’accentuer la mobilité des personnels au sein d’un même regroupement, de faire passer à la trappe les 3 500 postes vacants, de tordre le cou à la résistance que procure le statut des 80 000 personnels pour, demain, « offrir » de nouveaux contrats précaires.
Que devient l’offre de soins à la population, dans ce grand ménage ? L’heure est bien à sa compression, pour conjuguer diminution des dépenses de santé, déremboursement et transfert d’activités vers le privé. Le trait est-il forcé, exagéré ? À l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière, sur 2 000 lits, 300 sont fermés faute de personnels… Mais la direction générale de l’AP-HP compte encore économiser 100 postes d’ici la fin de l’année.
Alors que l’AP-HP n’a pas connu de mouvement revendicatif de grande ampleur depuis 2001, une intersyndicale inédite (CFDT, CFTC, CGT, FO et SUD) s’est tenue, le 16 septembre 2008, à la Bourse du travail de Paris, en présence de 400 délégués syndicaux, afin de dénoncer ce massacre à la tronçonneuse. Est-ce un vrai début de mobilisation ? Le 2 octobre, l’intersyndicale appelait, dans une belle unité, à une manifestation, du siège de l’AP-HP au ministère de la Santé, proposant une « mobilisation pouvant aller jusqu’à la grève unie de tous les hôpitaux de l’AP-HP ». Déjà, le directeur général propose l’ouverture de négociations et certains syndicats sont prêts à aller fouler la moquette du siège de l’avenue Victoria.
En tout état de cause, dans un secteur marqué par l’exercice d’une démocratie directe et l’instauration d’assemblées générales interhôpitaux, un pas décisif sera franchi lorsque 400 délégués des hôpitaux – et pas seulement des responsables syndicaux – se réuniront pour débattre et décider ensemble. Une gageure ? Non, un objectif, pour ceux et celles qui ont à cœur de réussir une mobilisation pouvant faire reculer la direction.
Correspondant
* Paru dans Rouge n° 2268, 02/10/2008.
CARHAIX : la lutte a payé
Nouveau. Brochure : la lutte a payé : ils gardent l’hôpital !
Chronologie d’une mobilisation exemplaire.
Cette brochure a été écrite par nos camarades du Finistère, en Bretagne. Elle retrace la lutte, victorieuse, menée par quasiment l’ensemble de la population de Carhaix contre la fermeture du service de maternité et de chirurgie de l’hôpital.
Cette lutte, exemplaire à bien des égards, a duré plus de seize semaines. Elle est le fruit de la convergence réussie des personnels de l’hôpital et des usagers contre la volonté de fermer de nombreux hôpitaux jugés « pas assez rentables » par le gouvernement Sarkozy et sa ministre de la Santé, Roselyne Bachelot. Cette brochure relate avec précision les moyens employés par la population pour lutter : création d’un comité d’action ; unité syndicale et politique ; blocages des routes ; infirmières jouant à « 1, 2, 3 soleil » contre les boucliers des CRS ; manifestation de 10 000 personnes dans une ville comptant 8 000 habitants ; utilisation d’une catapulte ridiculisant les forces de l’ordre ; « séquestration » du directeur de l’hôpital ; femmes accouchant à la maternité aidées par le personnel ; au moment où le service devait être « administrativement » fermé ; manifestations à Quimper avec des fourches et des pioches… Bref, en alliant mobilisation traditionnelle et formes d’action radicales, la population a su faire la démonstration de sa détermination et faire plier le gouvernement. Un exemple à suivre !
Notes
Pour se procurer la brochure, commandes à La Brèche, 2, rue Richard-Lenoir, 93 100 Montreuil Cedex, en envoyant un chèque de 2 euros à l’ordre de La Brèche (frais de port inclus).
* Paru dans Rouge n° 2268, 02/10/2008.
Des manifestants en procès à Carhaix
Le 24 septembre, six manifestants, dont trois militants LCR/NPA, devaient être jugés pour avoir manifesté contre la fermeture des services de maternité et de chirurgie de l’hôpital de Carhaix (Finistère), décidée par le directeur de l’agence régionale d’hospitalisation (ARH), Antoine Perrin. Celui-ci ne fait pas partie des accusés, alors que son arrêté illégal est la seule cause des manifestations. Cet arrêté a, en effet, été levé par le tribunal administratif, donnant raison aux défenseurs de l’hôpital.
L’État s’acharne sur six personnes, avec un dossier d’accusation épais comme une feuille de papier à cigarette. Un seul garde mobile est témoin des six arrestations effectuées à des horaires différents, et une jeune fille de 18 ans est accusée d’avoir malmené un groupe de quatre CRS.
À la barre, pour témoigner en faveur des inculpés, devaient se succéder le maire de Carhaix, en première ligne dans la lutte de défense de l’hôpital, le président de la région Bretagne, qui avait appelé la population centre bretonne à préparer un « Plogoff », la présidente de l’Association des femmes enceintes, qui avaient annoncé que, coûte que coûte, elles accoucheraient à Carhaix, et la présidente de l’Anacr qui, lors du conflit, avait déclaré que « résister doit toujours se conjuguer au présent ».
Les militants et sympathisants du NPA et de la LCR apportent leur soutien inconditionnel aux inculpés, et ils dénoncent la volonté de faire payer à quelques-uns la victoire d’une lutte arrachée par tous.
Correspondant
* Paru dans Rouge n° 2267, 25/09/2008 R(Au jour le jour).
Touche pas à mon hosto
Alors que Sarkozy a lancé le projet de loi « Hôpital, patient, santé, territoire » (HPST), la mobilisation nationale débute le 27 septembre, à Ivry-sur-Seine (Val-de-Marne).
Cette semaine, débute le « rallye » de mobilisations interrégionales pour l’accès à la santé et aux soins, prévoyant un quasi-tour de France, notamment dans les régions menacées de coupures sauvages en matière d’hospitalisation publique. À Ivry-sur-Seine (Val-de-Marne), le 27 septembre, le rassemblement sera la rampe de lancement. Il s’agit de protester contre la fermeture de l’hôpital Jean-Rostand et de sa maternité, qui fait l’objet de luttes depuis plusieurs années. Le logo unitaire « Touche pas à mon hosto » est proposé par la Coordination nationale de défense des hôpitaux et maternités de proximité, le Collectif national contre les franchises et pour l’accès aux soins, et la Convergence nationale pour les services publics, avec le soutien d’un grand nombre d’organisations, syndicats (Solidaires, FSU, CGT, SMG), associations (Attac…), partis politiques (LCR, PCF, PS, Verts) et collectifs locaux.
Cette action coïncide avec le lancement du projet de loi « Hôpital, patients, santé, territoire » (HPST) par Sarkozy en personne. Comme d’habitude, le président s’affiche responsable de tout et à la tête de tout. Ceux qui se sont opposés aux franchises médicales sont accusés d’être « contre le plan Alzheimer » ou contre les soins palliatifs. Il explique, en réalité, que le montant des soins remboursés par la « solidarité nationale » ne pourra plus trop augmenter, alors que les dépenses totales de santé vont encore progresser. La santé publique devra donc fonctionner selon une logique d’entreprise, avec de vrais « patrons » dans les hôpitaux, le reversement des « excédents » aux salariés (intéressement), et la publication « d’indicateurs de mortalité » ou « d’infections » (sans doute pour que « les clients » puissent choisir…). Les médecins seront mis sous pression concernant les dépenses dues aux prescriptions.
La loi de financement de la Sécurité sociale, fin septembre (Rouge n°2266 du 18 septembre), et la loi HPST annoncent donc un bouleversement total de l’organisation de la santé publique, vers un modèle étatique et managérial en même temps, alors que les hôpitaux sont déjà asphyxiés financièrement et que la carte des fermetures de services couvre tout le territoire. Le pouvoir va s’efforcer d’employer un langage qui touche la population dans sa vie quotidienne. Il est donc crucial que ce soit de cette population elle-même que monte la prise de conscience. D’Ivry, le rallye national couvrira la Bourgogne, la Franche-Comté, la Savoie, les Pyrénées, l’Ardèche, le Vaucluse, le Gard, les Bouches-du-Rhône, la Gironde et la Bretagne. Plusieurs dizaines de villes ! Le rendez-vous des marcheurs de la santé est prévu à Luçon (Vendée) le 25 octobre, une sorte de nouveau « Guéret » territorial, prélude à une manifestation nationale en novembre. La santé publique, c’est une affaire populaire, politique, de tout premier plan.
Dominique Mezzi
* Paru dans Rouge n° 2267, 25/09/2008.