Des dizaines de milliers de nourrissons touchés, dont (chiffre officiel) quatre sont décédés… Le scandale du lait frelaté en Chine ne cesse de prendre de l’ampleur. Sanlu, l’une des firmes les plus réputées du pays, a coupé ses produits laitiers de mélamine – une substance qui améliore leur apparence mais provoque des calculs rénaux mortels. Au nom de la course à la compétitivité, l’administration avait décidé de ne pas soumettre ce fleuron industriel de l’Empire du Milieu aux contrôles de qualité normalement imposés par la loi.
Des mois durant, après que les premiers cas de maladie aient été signalés, les autorités régionales et sanitaires ont tenté d’étouffer l’affaire. Au nom, cette fois, du prestige national, le gouvernement central a attendu que les Jeux olympiques soient terminés pour commencer à reconnaître l’existence du problème et à prendre des mesures. Du fait de ces atermoiements successifs, des milliers d’autres bébés ont, à leur tour, été contaminés.
La gratuité des soins été officiellement annoncée. Mais, aujourd’hui encore, bon nombre de services hospitaliers, obsédés par le rendement financier, trompent les parents sur la maladie de leurs enfants. Les médias restent soumis sur cette question à une censure de fait. Quant aux « avocats aux pieds nus » qui tentent d’informer de leurs droits les victimes dans les milieux populaires, ils sont harcelés. Pour ce qui est des plus riches, on apprend –maintenant !– qu’ils utilisaient, dès avant l’affaire Sanlu, un circuit indépendant de distribution des produits laitiers, bénéficiant de contrôles sanitaires plus conséquents.
Avons nous à faire à un scandale « chinois », particulièrement dramatique parce qu’il condamne des nourrissons ? Sans doute aucun. Mais il n’est pas sans rappeler d’autres scandales sanitaires, bien « occidentaux » ceux-là, que les pouvoirs établis ont aussi tenter d’étouffer, fussent parfois au prix de milliers de morts. Au nom de la « compétitivité » déjà, comme, en France avec le scandale de l’amiante, ou au nom de « l’intérêt national » comme lorsque le nuage radioactif de Tchernobyl a survolé l’Hexagone. Les mêmes justifications à l’injustifiable.
Qui ne se souvient aussi de la campagne internationale lancée contre Nestlé dont la publicité dénigrait la valeur du lait maternel pour mieux vendre dans le tiers-monde son… lait en poudre destiné aux nourrissons – un produit qui, certes, n’était pas coupé à la mélamine, mais qui coûtait cher et était moins protecteur que celui que les mères pouvaient offrir à leurs enfants.
Comme le note la fédération syndicale internationale UITA [1], la façon dont les transnationales de l’agro-alimentaire ont organisé la délocalisation des « marques » à partir des années 1980 interdit tout contrôle sur l’origine des produits –voire toute identification– de la part des travailleurs ou des consommateurs.
Dans ces scandales, quelque soit le pays concerné, la collusion des pouvoirs publics, des industriels et, trop souvent, des autorités sanitaires a été la règle bien plus que l’exception. Rien de tout cela n’est donc spécifiquement « chinois » ! Les désastres sanitaires n’ont plus de patrie.