New Delhi, correspondant
La tension entre forces occidentales et armée pakistanaise à la frontière afghane est montée d’un cran, jeudi 25 septembre, avec des échanges de tirs que les deux parties avaient jusque-là su éviter.
Selon Islamabad, des soldats pakistanais ont effectué des tirs de sommation afin d’éloigner deux hélicoptères américains qui avaient franchi la frontière en pénétrant dans la zone tribale du Nord-Warizistan à proximité du village de Saidgai.
Ce type d’incidents est assez fréquent depuis une dizaine de jours mais, pour la première fois, les hélicoptères intrus ont répliqué en direction du poste-frontière pakistanais. Les sources américaines, elles, ne font état que d’une riposte sous forme de tirs de sommation provenant d’unités américano-afghanes au sol.
Autre précédent, les deux hélicoptères appartiennent à l’ISAF (Force internationale d’assistance à la sécurité), bras armé de l’OTAN en Afghanistan, alors que seuls des appareils relevant de l’opération « Liberté immuable » - coalition dirigée par les Américains - étaient jusqu’alors impliqués dans ce genre d’intrusion.
A Kaboul, l’ISAF a démenti que ses hélicoptères aient franchi la frontière, assurant qu’ils étaient restés du côté afghan dans la province de Khost. Le tracé de la frontière, dite « Ligne Durand » (établie en 1893 par les Britanniques), n’a jamais été très clair et fait l’objet d’interprétations divergentes entre le Pakistan et l’Afghanistan.
La poussée de fièvre entre les forces occidentales opérant en Afghanistan et le Pakistan a pour origine les incursions répétées d’unités américaines dans les zones tribales pakistanaises où des sanctuaires talibans, liés à Al-Qaida, alimentent l’insurrection afghane. Après une période initiale de passivité, le gouvernement d’Islamabad, en butte à une opinion très antiaméricaine, a donné des instructions très fermes à son armée pour répliquer à toute « violation de la souveraineté nationale ».
Le président pakistanais Asif Ali Zardari, en visite à New York, s’en est expliqué ces derniers jours avec George Bush et la secrétaire d’Etat Condoleeza Rice. « Nous ne pouvons admettre que notre souveraineté et notre intégrité territoriale soient violées par nos amis », a solennellement lancé, jeudi 25 septembre, M. Zardari à la tribune de l’Assemblée générale de l’ONU.
* LE MONDE | 26.09.08 | 08h38 • Mis à jour le 26.09.08 | 08h44.
Rencontre tendue Bush-Zardari sur fond de raids américains
NEW DELHI CORRESPONDANT
La relation pakistano-américaine demeure - plus que jamais - frappée au sceau de la duplicité. George Bush a proclamé, mardi 23 septembre, la volonté des Etats-Unis d’« aider » le Pakistan à « protéger sa souveraineté », en recevant, en marge de l’Assemblée des Nations unies à New York, son homologue pakistanais, Asif Ali Zardari. Au même moment, plusieurs sources à Islamabad faisaient état d’une nouvelle incursion en territoire pakistanais d’un drone - avion espion sans pilote - américain. Selon des services de sécurité pakistanais, le drone aurait pénétré mardi soir dans l’agence tribale du Sud-Waziristan, frontalière de l’Afghanistan, s’écrasant près d’un village.
A Washington, un porte-parole du Pentagone a indiqué ne pas disposer d’informations sur ce crash. Si l’incident était confirmé, il se serait produit au moment même où M. Bush recevait M. Zardari, venu lui exprimer les vives inquiétudes de son pays face aux incursions répétées des troupes américaines dans les zones tribales pakistanaises où sont retranchés des sanctuaires d’Al-Qaida.
Cette quasi-simultanéité entre assurances officielles et raids américains exaspère les Pakistanais. Déjà le 17 septembre, l’amiral Mike Mullen, chef d’état-major américain, en visite à Islamabad, avait affirmé que les Etats-Unis « respectaient » la souveraineté du Pakistan alors même que quatre missiles américains tuaient cinq personnes dans le Sud-Waziristan. Après une certaine passivité, l’armée pakistanaise semble s’être raidie. Dimanche 21 septembre, elle aurait ouvert le feu dans le Nord-Waziristan à l’approche d’hélicoptères américains, forçant ces derniers à rebrousser chemin. Un incident identique s’était produit le 15 septembre dans le Sud-Waziristan. A chaque fois, les Américains ont démenti.
La rencontre de New York entre MM. Bush et Zardari - la première depuis l’élection du nouveau chef de l’Etat pakistanais le 6 septembre - a eu lieu dans ce contexte de tension entre les deux pays, alors que le Pakistan est frappé de plein fouet par le terrorisme. A Islamabad, l’attentat du 20 septembre contre l’hôtel Marriott, qui a fait 53 morts et 270 blessés, a été revendiqué, lundi, par un groupe inconnu « Les Fedayins de l’islam ». Selon le conseiller de la présidence pour les affaires de sécurité, Rehman Malik, le camion piégé visait le président Zardari, le premier ministre Youssouf Reza Gilani et les membres du gouvernement qui auraient dû dîner au Marriott. Le lieu du rendez-vous aurait été changé au dernier moment.
* Article paru dans l’édition du 25.09.08. LE MONDE | 24.09.08 | 15h07 • Mis à jour le 24.09.08 | 15h07