Malgré les initiatives dilatoires du gouvernement, la mobilisation contre la privatisation de La Poste s’organise. La consultation des syndicats, des usagers et des associations d’élus, lancée par Bercy, ou la possible organisation, évoquée par certains, d’un débat public organisé par les préfets et directeurs de La Poste ne peuvent pas rassurer qui que ce soit.
Au sein de l’entreprise, la plupart des syndicats préparent activement la grève du 23 septembre. Si l’élan unitaire est variable selon les départements, il est à souligner que de nombreuses réunions intersyndicales se tiennent, dans l’optique de préparer concrètement la grève et les manifestations. Dans un nombre significatif de départements, des appels communs sont lancés, des visites en commun de bureaux sont organisées, ce qui n’est pas si fréquent à La Poste.
Toutefois, tous les syndicats appelant à la grève ne jouent pas le jeu. La CFDT est pratiquement partout absente des intersyndicales locales. Une attitude qui fragilise inévitablement l’intersyndicale nationale, notamment pour ce qui concerne les suites à donner au 23 septembre, en termes d’initiatives unitaires. En tout état de cause, la priorité est de réussir la grève pour lui assurer des suites à La Poste et pour développer la mobilisation à l’extérieur de l’entreprise.
La déclaration adoptée par quatre syndicats de La Poste (CGT, SUD, FO et CFTC) et, à l’extérieur, la FSU, Solidaires, la quasi-totalité des partis de gauche (LCR, PS, PCF, Les Verts, AL, Les Alternatifs, MRC, MJS, CUAL, PRS…), Attac, Convergence pour la défense et le développement des services publics, DAL, Marches européennes, Copernic… représente une avancée majeure. [1] L’ensemble de ces organisations y affirment leur opposition totale à la privatisation et leur soutien à la grève du 23 septembre. De plus, elles décident de créer un comité national pour exiger « un vrai débat public permettant l’implication des citoyens et citoyennes qui doivent pouvoir décider de l’avenir de La Poste par un référendum ».
Cette déclaration contre la privatisation, soutenue très largement, peut avoir un effet très positif auprès des postiers avant la grève. Elle doit être un point d’appui pour la création de collectifs locaux pour la défense du service public postal. À l’instar de la campagne lors du référendum sur le traité constitutionnel européen, il faut partout organiser des initiatives sous forme de débats, mais aussi développer des mobilisations contre les attaques incessantes contre le service public postal à travers notamment, les fermetures de bureaux.
La victoire contre la privatisation de La Poste passera, inévitablement, par une articulation entre la mobilisation des postiers et celles des populations. C’est un pari gagnable.
Bruno Quignard
Référendum sur La Poste
Les perspectives de mobilisation pour que le projet de privatisation de La Poste soit soumis à référendum ont, d’ores et déjà, permis d’installer le débat sur la place publique. Et dans les médias.
À commencer par Le Monde, daté du 13 septembre, qui y consacre son éditorial, sous le titre « La Poste et le peuple ». Éditorial non signé qui, selon les règles en vigueur dans la presse, engage donc la rédaction en tant que telle. C’est très intéressant pour savoir ce que Le Monde pense. De La Poste, certes. Mais, surtout, de la démocratie !
Ainsi, Le Monde reconnaît facilement que « les arguments en faveur de cette initiative ne manquent pas ». L’éditorialiste insiste : « L’ouverture de son capital et sa privatisation probable à terme (comme cela s’est passé pour France Télécom) ne pourraient qu’écorner, voire remettre en cause, ses missions de service public. » Et de conclure, fort logiquement : « La question ne relève pas, à l’évidence, d’une décision technocratique ; mais d’un choix démocratique, qui concerne tous les Français. » On ne saurait mieux dire…
Alors ? Alors, Le Monde s’inquiète : « L’avenir d’une entreprise, fut-elle publique, peut-il sans dommage être tranché de cette façon ? Les procédures existantes de débat public ou de conférences de consensus ne sont-elles pas plus appropriées ? » Franchement, on voit mal ce que pourrait être une « conférence de consensus » entre partisans et adversaires du service public ! Mais, en réalité, la vraie crainte du Monde est beaucoup plus fondamentale : « Le référendum n’ouvre-t-il pas la voie, comme toujours, à toutes les surenchères et démagogies ? Aujourd’hui sur La Poste, demain sur des sujets beaucoup plus gênants. » Gênants, pour qui ?
Pour Le Monde, un référendum sur l’avenir de La Poste, éventuellement justifié, constituerait néanmoins un dangereux précédent. Ainsi, sous prétexte de (se) protéger des « surenchères » et des « démagogies », Le Monde indique clairement qu’il ne saurait être question de donner aux gens ordinaires l’habitude et le goût de décider eux-mêmes sur les sujets qui les concernent. Alors que, pour nous, c’est l’essence même de la démocratie… ■
François Duval
(La gazette des gazettes)