FORD : Résistance pour défendre les emplois !
L’avenir du site girondin de Blanquefort est toujours menacé. Une montée des salariés à Paris se prépare, à l’occasion du Mondial de l’automobile.
En 2010, Ford veut se désengager de son site de Blanquefort (boîtes de vitesses, 1 800 salariés). Sans aucune transparence, la direction est en contact avec des repreneurs éventuels. Cela se traduirait par un éclatement des effectifs, la sous-traitance et la perte de nombreux emplois. Seule la mobilisation permettra d’obliger Ford à trouver une solution qui maintienne le site et tous les emplois. La situation est aujourd’hui plus compliquée qu’au début de l’année, où les salariés avaient bloqué l’usine pendant dix jours et où les manifestations et les grèves se multipliaient [1].
La direction, dépassée par les événements pendant toute une période, a repris le dessus. Elle a d’abord proposé un accord mettant en place les conditions financières des suppressions d’emplois des années à venir (avec un minimum de 50 000 euros brut pour appâter), lui permettant ainsi de vider l’usine comme elle voulait. Les deux syndicats majoritaires (CGT et CFTC) ont dénoncé cet accord, qui a été invalidé. La direction a exercé un chantage sur les syndicats et les salariés (« si l’accord est rejeté, vous n’aurez rien en partant »), et elle a réussi à entraîner des syndicats (FO, Unsa, CGC) dans l’abandon de la lutte et dans une « guerre » contre les syndicats combatifs. Du coup, la confusion règne parmi de nombreux salariés.
Les salariés préparent une manifestation à Paris, au Mondial de l’automobile, le 4 octobre. Un train spécial de 780 places sera affrété. Pour le financer, une tombola est organisée, ainsi qu’un concert de soutien à Blanquefort, le 20 septembre, soutenu par la mairie. Le train se remplit progressivement avec des salariés, des amis, des élus et des équipes de journalistes. Tout cela avec l’aide des comités de soutien, constitués ces derniers mois dans les communes environnantes par des élus locaux et la population.
Le but des salariés est de défendre les 1 800 emplois de Ford, mais aussi les 10 000 emplois indirects menacés dans la région. Par diverses activités, ils essayent de continuer à sensibiliser la population, les responsables politiques et les élus.
La défense des emplois doit passer par des luttes plus générales. Les licenciements et les fermetures d’usine frappent partout. La CGT a pris contact avec les camarades de General Motors, à Strasbourg, qui vivent la même situation, avec ceux de Goodyear, que les salariés sont allés soutenir lors de leur manifestation du 16 septembre, à Amiens. Ils iront aussi le 10 octobre, avec les CGT-automobile, manifester à Paris. Ils proposent d’ailleurs à leur fédération d’organiser une rencontre dans la branche automobile CGT afin de préparer une lutte d’ensemble et d’essayer d’éviter de mener des mouvements, chacun son tour, seuls dans leurs usines. ■
Philippe Poutou
* Rouge n° 2266, 18/09/2008.
Renault : Des profits et des licenciements
Faute de perspectives, la mobilisation contre le nouveau plan de licenciements à Renault n’est, pour l’instant, pas à la hauteur de la situation.
La direction de Renault a confirmé les 4000 suppressions d’emplois en France, avant le 30 avril prochain, auxquels s’ajouteront 2 000 suppressions d’emplois dans ses filiales, dont 900 en France. Malgré les 1,5 milliard d’euros de bénéfices net réalisés au premier semestre 2008, le PDG de Renault, Carlos Ghosn, veut faire payer à ses salariés le fait que « Renault [soit] revenu à un niveau de rentabilité inférieur à la moyenne de ses concurrents directs ». Les usines sont de nouveau sommées de « poursuivre leurs actions de productivité pour atteindre ou dépasser leur objectif de performance ».
Dès l’annonce du plan « Contrat 2009 », en février 2005, Carlos Ghosn avait pris l’engagement d’augmenter de 150 % le dividende par action, et de porter la marge opérationnelle à 6 % en 2009. Ayant réduit son objectif de progression des ventes, la direction a décidé de tailler dans les effectifs, afin de garantir la marge promise. Preuve du caractère exclusivement boursier de ces coupes claires, les directions d’établissement ont été incapables de préciser la répartition par site des suppressions de postes.
Seule la CGT a appelé à des arrêts de travail partout, rejointe par SUD, la CFDT ou FO au Technocentre de Guyancourt ou à l’usine de Cléon. Si tous les syndicats ont voté contre le plan, la CGC et FO se limitent à demander davantage de mesures incitatives au départ « volontaire », et la CFDT se contente d’« une institution spécifique site par site, de façon à permettre aux organisations syndicales d’exercer un véritable suivi des conséquences en termes d’organisation du travail et des compétences induites par des départs anarchiques ». Pas de quoi inquiéter une direction !
Jeudi 11 septembre, la CGT a annoncé plus de 2000 grévistes, mais les arrêts de travail n’ont été significatifs que dans l’ingénierie tertiaire de la région parisienne, à Cléon et à Sandouville. On est loin du rapport de force indispensable pour faire reculer Carlos Ghosn. À Sandouville (Seine-Maritime), dont l’usine est menacée, les arrêts de travail n’ont rassemblé que 400 personnes. Une difficulté explicable par la prétendue garantie que les départs seraient volontaires, l’aspiration à partir le plus vite possible des plus anciens – voire des plus jeunes –, en raison de la profonde dégradation des conditions de travail et le chômage massif imposé depuis la fin 2005 (52 jours non travaillés ont été imposés, en 2008, sur la chaîne Laguna).
Mais ce qui manque également, c’est l’absence de perspective crédible donnant un sens à la bagarre. La mobilisation à construire doit se fixer l’objectif d’interdire ces suppressions d’emplois, d’exiger qu’on prenne sur les 1 300 millions d’euros que Renault versera à ses actionnaires en 2009 et de remettre en cause le droit pour Ghosn de décider ce que les salariés doivent produire, dans les pays qu’il choisit, en fonction des seuls besoins du monde de la finance.
Renaud Lenormand
* Rouge n° 2266, 18/09/2008.
RENAULT : Ghosn supprime 6000 emplois
Alors que Renault a versé, pour la seule année 2007, 913 millions d’euros de dividendes à ses actionnaires, la direction de l’entreprise, prétextant une mauvaise conjoncture économique, annonce la suppression de 6 000 emplois.
Présentant les résultats financiers du premier semestre 2008, le PDG de Renault, Carlos Ghosn, n’y est pas allé de main morte. Pour lui, « Renault n’a jamais été aussi rentable ». Les résultats publiés le prouvent. Avec 1,467 milliard d’euros de bénéfices net pour le premier semestre 2008 et des ventes en progression de 4,3 % par rapport à la même période de 2007, ces résultats auraient de quoi combler tout actionnaire.
Mais voilà, pour le « cost killer » qui a pris la direction de Renault en 2005, « le profit est le seul indicateur pour savoir si on fait bien son travail ». Confronté à la profonde dégradation de l’environnement économique et financier survenue depuis l’annonce de « Renault Contrat 2009 », il maintient son objectif : faire de Renault « le constructeur automobile généraliste européen le plus compétitif et le plus rentable ».
Prenant acte du « retard » pris sur son scénario de février 2006, il a fait passer l’objectif de fabriquer et de vendre 3,3 millions de véhicules en 2009 à seulement 3 millions, soit 9 % de moins. Mais, comme il n’est pas question de remettre en cause, pour autant, les 4,5 % de marge opérationnelle annoncés pour fin 2008, le PDG a trouvé la solution convenant au capitalisme qu’il défend : réduire les coûts de structure (ingénieurs, techniciens, maintenance…) de 10 %, supprimer une équipe de fabrication à l’usine de Sandouville (Seine-Maritime) et menacer du même traitement de choc celle de Flins (Yvelines).
En 2006, à l’annonce de son plan, Carlos Ghosn avait été clair : « Il faudra tirer toutes les conséquences si nous n’atteignons pas nos objectifs. » Peu lui importait alors d’anticiper la situation des marchés des années à venir : les hommes, comme variable d’ajustement, étaient déjà au centre de son collimateur. Et il a profité du résultat semestriel pour en faire l’annonce, à quelques jours des départs en congés : la suppression de 5 000 emplois d’ingénieurs, de techniciens et d’agents de maintenance, auxquels s’ajoutent 1 000 emplois sur la ligne de fabrication des Laguna. Avec actuellement moins de 3 900 personnes en CDI, c’est l’existence même de l’usine de Sandouville qui est menacée.
C’est d’autant plus intolérable que toutes ces mesures ne visent qu’à économiser 350 millions d’euros en 2009 et 500 millions d’euros en 2010, soit bien moins que les 913 millions d’euros de dividendes versés aux actionnaires, en mai dernier, sur les seuls profits 2007. Voilà de quoi remettre à l’ordre du jour des luttes de résistance, dès la rentrée, la bataille pour l’interdiction des licenciements, à commencer dans cette entreprise, qui a accumulé 20 milliards d’euros de bénéfices net depuis 2000.
Renaud Lenormand
* Rouge n° 2263, 31/07/2008.