Le projet de privatisation de La Poste se précise, la riposte aussi. Au début de la semaine, le gouvernement recevait les organisations syndicales afin de leur présenter l’avancée du dossier et de tracer les grandes lignes du calendrier. En ce qui concerne le contenu, il s’agirait d’une introduction en Bourse, avec une ouverture du capital pouvant atteindre 25 à 30 % dudit capital. La direction de La Poste et le gouvernement ne veulent pas laisser traîner les choses, puisqu’ils prévoient de faire voter cette privatisation lors de la loi de transposition de la directive européenne, au premier semestre 2009.
Mais si le gouvernement avance ses pions, la riposte s’organise également. Dans l’entreprise, une intersyndicale CGT-SUD-CFDT-FO-CFTC s’est réunie le 2 septembre, et elle a décidé d’appeler à une journée de grève et de manifestations le 23 de ce mois. Dans le contexte, la réussite de cette journée est une absolue nécessité. Il s’agira de montrer aux partisans de la privatisation que les postiers ne se laisseront pas faire. Or, si le projet que leur vante abondamment la direction ne suscite pas l’enthousiasme des postiers (c’est le moins que l’on puisse dire), il serait tout aussi erroné d’affirmer qu’il génère une situation explosive, du moins pour l’instant. Les défaites accumulées lors de la privatisation d’autres services publics (l’exemple de France Télécom reste encore fortement présent) pèsent et engendrent du fatalisme chez certains.
Pour l’intersyndicale, l’urgence est de combattre ce fatalisme et de convaincre qu’il est possible de gagner. Il est donc nécessaire que toutes les composantes de l’intersyndicale laissent de côté leurs arrière-pensées. Les deux semaines précédant cette initiative doivent être mises à profit pour réussir la grève. Cela reste tout à fait possible, d’autant que l’appel de Libération à un référendum sur l’avenir du service public postal a rencontré un écho positif auprès des salariés, crédibilisant la grève auprès de certains d’entre eux.
La victoire contre la privatisation ne peut pas dépendre de la seule mobilisation des salariés de l’entreprise. Il est donc nécessaire d’élargir considérablement la mobilisation à l’extérieur de La Poste. C’était le sens de la rencontre du 4 septembre initiée, dès juillet, par SUD-PTT. L’appel de trois fédérations syndicales de La Poste (SUD, FO, CFTC) à un référendum, soutenu par Libération, donnait à cette rencontre un intérêt majeur. Pour preuve, la présence de nombreuses forces (PS, PCF, LCR, Les Verts, Alternative libertaire, MRC, PRS) et associations (Attac, DAL, Collectif pour le droit au compte, qui regroupe notamment le Gisti, la Cimade ou le Secours catholique), ainsi que la participation de la FSU. La CGT de La Poste, plus réticente à l’idée de lancer une campagne pour un référendum maintenant, était également présente.
En fait, cette rencontre a permis de vérifier que l’organisation d’une campagne pour un grand débat public et d’un référendum sur l’avenir du service public postal était une idée intéressante, la LCR, Attac et la FSU indiquant d’ores et déjà qu’ils étaient prêts à s’y engager. Les autres organisations présentes ont demandé un délai afin de consulter leurs structures. Une nouvelle rencontre est organisée le 12 septembre, à l’issue de laquelle l’appel pour l’organisation d’un référendum sera rendu public, ainsi que la liste des signataires. Au vu du contenu de la réunion du 4 et des déclarations d’un certain nombre de membres du Parti socialiste ou de Le Duigou (CGT), par exemple, l’arc d’organisations, soutenant l’initiative devrait être large.
Cette initiative doit devenir l’élément catalyseur permettant de mener une large campagne auprès des usagers. La LCR doit y prendre toute sa place, afin de combattre la privatisation mais aussi de développer ses revendications, concernant un service public qui a déjà perdu pas mal de plumes depuis des années. L’enjeu est de renouveler, dans tout le pays, ce qui a été réalisé lors de la campagne référendaire contre le traité constitutionnel européen, c’est-à-dire gagner la bataille de l’opinion. Pour cela, il faut organiser, dans un maximum de lieux, des initiatives, les plus unitaires possibles, permettant aux populations de s’exprimer, de s’organiser, de résister…
Gagner la bataille contre la privatisation de La Poste, c’est possible ! Une telle victoire infligerait un énorme camouflet à Sarkozy et permettrait surtout de redonner confiance à un mouvement social marqué par de trop nombreuses défaites. L’enjeu est de taille ! Il s’agit de développer et d’articuler la mobilisation des postiers et la constitution d’un large mouvement d’opinion populaire. En piste pour un nouveau 29 Mai !
Bruno Quignard
* Paru dans Rouge n° 2265, 11/09/2008.
La Poste : syndicats, associations et politiques réclament un débat public
PARIS, 12 sept 2008 (AFP) - Les représentants de syndicats, associations et partis politiques de gauche réunis vendredi soir ont réaffirmé dans une déclaration commune leur opposition à une « privatisation » de la Poste, réclamant « un vrai débat public » sur le sujet.
Ces organisations « réunies le (vendredi) 12 septembre affirment leur opposition totale à une privatisation de La Poste et soutiennent la grève unitaire des postiers du 23 septembre » à l’appel de la CGT, la CFDT, la CFTC, FO et Sud, selon une déclaration lue à l’issue de la réunion par Régis Blanchot (Sud-PTT). Cette déclaration a été signée par des syndicats (FSU, CGT, FO, CFTC et Sud-PTT), des partis politiques (PS, PCF, LCR, Verts, etc.) et diverses associations (Attac, Dal, Copernic, Convergence des collectifs de défense des services publics).
« Le service postal appartient à tous les citoyens, c’est pourquoi (ces organisations) demandent que soit organisé un vrai débat public permettant l’implication des citoyens qui doivent pouvoir décider de l’avenir de La poste par un référendum », poursuit le texte. Une nouvelle réunion visant à décider un appel commun et à lancer un comité national pour un référendum doit se tenir mercredi prochain, a précisé M. Blanchot. « Nous sommes tous d’accord sur le fait qu’il faut garder la main et aller vite avant qu’un projet de loi ne soit déposé », a souligné M. Blanchot.
Pour le PS, l’idée d’organiser un referendum « est une bonne idée mais on n’en est pas là » : « Aujourd’hui, la priorité, ce n’est pas de demander au gouvernement l’organisation d’un référendum. Il y a une mobilisation syndicale (journée du 23 septembre), il faut commencer par l’appuyer », a dit à l’AFP Christian Martin, secrétaire national du PS en charge des services publics. « Le gouvernement n’a encore rien décidé sur le statut de La Poste, si l’on s’en tient aux déclarations de Mme (Christine) Lagarde (ministre de l’Economie). La priorité, c’est de décourager le gouvernement de déposer un projet de loi modifiant le statut de La Poste », a-t-il ajouté.
L’article 11 de la Constitution permet au président de la République, sur proposition du gouvernement ou du Parlement, de soumettre à référendum un projet de loi portant « sur des réformes relatives à la politique économique, sociale ou environnementale de la Nation et aux services publics qui y concourent ». L’idée, soutenue par le quotidien Libération, a été lancée par plusieurs syndicats (FO, CFTC et Sud) de La Poste. cca-pol/im/DS