Fuites nucléaires en Europe
Si la France occupe une place prépondérante pour l’industrie nucléaire du fait de son utilisation massive, elle n’a pas le monopole des incidents, accidents et autres irradiations. Alors que l’Union Européenne, particulièrement sous l’impulsion du gouvernement Sarkozy-Fillon envisage de relancer le nucléaire à grande échelle, ces derniers mois ont vu une multiplication d’incidents dans nombre de pays. En France bien sûr, avec cet été pas moins de six incidents ou révélations de fuites plus anciennes, touchant plus de cent salariés, dans le Vaucluse, l’Isère et la Drôme. Des fuites d’eau radioactive en Slovénie et en Ukraine nécessitant un arrêt des réacteurs. Des incidents d’intensité diverses ou des incendies comme en Autriche ou en Espagne.
La découverte en Allemagne d’une contamination de grande ampleur suite à l’enfouissement de déchets qui se retrouvent aujourd’hui immergés dans un lac souterrain et risquent de toucher les nappes phréatiques alentour. C’est peut-être en Belgique que les conséquences immédiates pour la population se font le plus sentir ; en effet après un incident le 24 août, alors que l’alerte a pris du retard, la consommation de légumes du jardin et de lait est désormais interdite. La population n’en sait pas plus, et on imagine l’inquiétude de chacun quand l’environnement le plus proche est menacé de contamination.
L’accumulation de ces problèmes récurrents, inhérents à l’usage de l’énergie nucléaire, devrait ouvrir les yeux de ceux qui doutent encore de la nécessité d’en sortir. D’où la nécessité de briser le sceau du secret qui entoure l’industrie de l’atome.
Vincent Gay
* Paru dans Rouge n° 2264, 04/09/2008 (Fais et méfaits)
Déchets nucléaires et échelles de temps
Cachez-moi ces scories que je ne saurais voir ! Dans une interview au Monde (6 septembre 2008) [1], Patrick Charton explique que les déchets hautement radioactifs et à vie longue seront profondément enfouis – les autres étant stockés en surface. D’où une question : comment garder la mémoire du danger, une fois que ces scories auront disparu sous terre ? Charton reconnaît que le problème est bien difficile à résoudre. Ces stocks continueront d’émettre des radionucléides pendant des centaines de milliers d’années (voire 1 million !) –, alors que la durée de vie des déchets gardés en surface n’est « que » de dizaines ou de centaines d’années.
Dans la mesure où l’humanité continuera d’exister, ses technologies, symboles, langues changeront – et les matériaux de communication se détruiront. Comment, dans ces conditions, préserver l’information ? On pense, en France, à un processus de transmission permanente. On envisage, aux États-Unis, de graver des visages exprimant la souffrance dans des salles érigées sur les sites de stockage…
Cette interview d’un responsable de l’Agence nationale de gestion des déchets radioactifs (Andra) est saisissante. Elle permet de prendre concrètement conscience des échelles de temps dans lesquelles l’industrie nucléaire nous plonge et du problème insoluble qu’elle nous lègue.
Nous avons sur les bras un monceau de scories radioactives, dont nul ne sait comment se débarrasser. Il serait sage d’arrêter d’en produire de nouvelles. Mais le lobby nucléocrate – apprenti sorcier jamais repenti – nous en promet dix fois plus dans le siècle qui vient.
Antoine Tessour [Pierre Rousset] **
* Paru dans Rouge n° 2265, 11/09/2008 (Fais et méfaits)
** Antoine Tessour est un nom de plume de Pierre Rousset.