C’est devenu une banalité de dire que les pays du Sud sont et seront les principales victimes du changement climatique dont les pays du Nord sont les principaux responsables. Sécheresses, montée du niveau des océans, tornades violentes, perturbation du régime des pluies, inondations, extension des zones de malaria, pénurie d’eau potable, famines dues à la baisse de la productivité agricole : ces fléaux frappent plus durement qu’auparavant les régions tropicales et subtropicales d’Asie, d’Afrique, d’Amérique latine, d’Océanie. Ils menacent de provoquer de très graves catastrophes à relativement court terme. A elle seule, la montée des océans pourrait contraindre 150 à 200 millions de gens à déménager, d’ici 2080.
Selon le GIEC, les émissions mondiales de gaz à effet de serre devraient diminuer de 50 à 85% d’ici 2050 (par rapport à 2000). Responsables à 80% du changement climatique, les pays développés devraient réduire leurs émissions de 80 à 95% en 2050 et de 25 à 40% en 2020. Pour apprécier ces fourchettes de chiffres, il faut savoir que les modèles du GIEC ne prennent pas en compte la dislocation des calottes glaciaires, dont le climatologue en chef de la NASA, James Hansen, dit qu’elle pourrait causer une hausse du niveau des mers de plusieurs mètres au cours du siècle à venir. Au nom du principe de précaution, la partie supérieure des fourchettes du GIEC devrait donc être considérée comme l’objectif minimum. Or, ce n’est pas dans cette direction que s’orientent les gouvernements. Le récent sommet du G8 au Japon s’est prononcé pour 50% de réduction au niveau mondial en 2050, sans mentionner ni les 85%... ni la responsabilité particulière des pays développés. Quant à l’Union Européenne, elle s’oriente vers 20% de réduction en 2020 - un chiffre carrément inférieur au minimum recommandé par les experts !...
L’inquiétude pour les pays du Sud est d’autant plus vive que les moyens nécessaires pour s’adapter à la partie inévitable des changements climatiques sont totalement insuffisants. Selon le Programme des Nations Unies pour le Développement, l’adaptation nécessiterait le transfert de 86 milliards de dollars par an à l’horizon 2015 (44 milliards pour les infrastructures, 40 milliards pour les programmes de lutte contre la pauvreté, 2 milliards pour renforcer les systèmes de lutte contre les catastrophes). Or, les multiples fonds d’adaptation créés ces dernières années ne mobilisent que 26 millions de dollars. La différence entre ces deux chiffres risque de se traduire par des centaines de millions de victimes humaines, principalement des enfants, des femmes, des personnes âges. Un gigantesque Katrina, un massacre des innocents à une échelle sans précédent.
86 milliards de dollars représentent à peine 0,2% du PIB des pays développés. Mais il ne faut pas compter sur la générosité des gouvernements des pays riches. Ces gouvernements investissent dans l’adaptation… chez eux. Les maigres 26 millions de dollars disponibles aujourd’hui pour financer l’adaptation au Sud correspondent aux sommes que le gouvernement britannique débourse hebdomadairement pour entretenir son système de protection contre les inondations. Récemment, le land du Bade-Wurtemberg a décidé de consacrer à la lutte contre les inondations un budget plus de deux fois supérieur aux sommes disponibles pour l’adaptation des pays en développement dans leur ensemble !
Devant le congrès américain, James Hansen dénonçait récemment, « les patrons du secteur des énergies fossiles (qui), au lieu de passer rapidement aux énergies renouvelables, ont choisi de semer des doutes sur le changement climatique, comme les cigarettiers ont jeté des doutes sur le lien entre le tabac et le cancer. » Et le célèbre climatologue de conclure : « ils savent ce qu’ils font et sont au courant des conséquences à long terme. Ils devraient être poursuivis pour crimes majeurs contre l’humanité et la nature. ». Cela vaut aussi pour les gouvernements capitalistes, aux ordres de ces lobbies patronaux.