C’est avec un chef d’Etat très affaibli et sans grands projets pour l’Europe que la France a pris la présidence de l’Union européenne [depuis juillet et jusqu’en décembre, ndlr] et les quelques propositions faites ne peuvent que nous inquiéter, comme par exemple la relance du tout-nucléaire ou un pacte sur l’immigration qui discrédite l’Europe des droits de l’homme.
Les propositions de la gauche pour cette présidence sont, elles, quasi invisibles. Sans doute trop liés à une sorte de cogestion des institutions européennes entre le Parti socialiste européen et le Parti populaire européen, les dirigeants du PS semblent muets et ne donnent à voir que leurs positionnements internes dans la préparation de leur congrès. C’est pourtant dans neuf mois seulement qu’auront lieu les élections européennes qui doivent être un moment fort de propositions pour l’avenir de l’Europe et ne pas se réduire au débat franco-français pour faire exister une opposition à la politique de Nicolas Sarkozy, loin des enjeux européens.
L’Europe n’échappe pas à un contexte mondial fait de crises d’une gravité sans doute inégalée depuis la Seconde Guerre mondiale, c’est-à-dire depuis le début de sa construction : crise de l’énergie, crise alimentaire, crise économique et financière.
Les écologistes ont été les premiers à parler de ces crises et des dérèglements d’une mondialisation incontrôlée. Ils doivent être à la pointe du combat politique pour le changement de mode de développement. Le développement durable n’est pas simplement un nouveau chapitre dans les traités internationaux, les projets de lois ou les rapports annuels des entreprises. C’est une réorientation profonde de nos modes de production et de consommation : décroissance de certains secteurs de l’économie (transport routier ou aérien par exemple) et développement accéléré et volontariste d’autres secteurs (isolation des bâtiments, énergies renouvelables comme l’éolien et le solaire). Pourtant, au moment où des millions de gens voient les conséquences de ces crises les toucher directement (baisse du pouvoir d’achat du fait de la hausse des prix de l’énergie), certains dirigeants politiques européens accélèrent la fuite en avant dans l’ultralibéralisme présenté non plus comme l’une des causes de ces maux mais comme l’unique remède ! Ainsi tente de le faire Sarkozy aidé dans cette œuvre par quelques médias passés sous contrôle de groupes industriels qui n’ont pas intérêt au changement écologiste, dont les citoyens seraient eux les premiers bénéficiaires.
Les écologistes français et européens n’ont d’autre ambition que d’apporter des réponses politiques à même de surmonter ces crises en garantissant demain de meilleures conditions de vie à toutes et à tous et une protection durable de la planète et sa biodiversité, au niveau local comme au niveau global. Plutôt que d’attendre que la loi de l’offre et de la demande finisse par régler la question de l’énergie, en générant des dégâts humains et écologiques colossaux, nous défendons la voie de l’anticipation politique, de l’organisation des transitions et de la régulation de l’économie pour atteindre les deux objectifs inséparables de l’amélioration de la qualité de vie sur terre et de la justice sociale.
Les enjeux sont considérables : il nous semble indispensable qu’ils soient centraux lors des prochaines élections européennes, et notamment dans la campagne menée en France.
Ces élections européennes seront l’occasion de tourner la page du TCE et du référendum de 2005. Même si nous continuons à penser que l’Europe aurait tout intérêt à se doter d’une Constitution, les crises mondiales (énergie, alimentation, déséquilibres des échanges…) sont trop urgentes pour que l’on n’y réponde pas tout de suite. Le fait que ce soit d’abord des crises écologiques nous oblige à rassembler tous ceux qui se retrouvent sur la nécessité d’une affirmation plus forte de l’Europe politique à travers des projets volontaristes. Car l’échelon européen est bien le seul pertinent pour mettre en œuvre des solutions efficaces.
C’est au niveau européen que doit se poser la question du changement climatique de la sobriété énergétique, de la fin de la dépendance au pétrole et au nucléaire (les accidents de Tricastin montrent que le danger nucléaire est toujours là !), d’un vrai plan de soutien à la recherche sur les énergies renouvelables, des transports propres, d’emprunt pour de grands travaux écologiques comme un vrai réseau ferroviaire européen du fret et du transport des personnes. C’est ainsi que l’Europe montrera son utilité et retrouvera sa crédibilité aux yeux des citoyens.
De sensibilités différentes au sein des Verts, nous appelons à ce que tous les écologistes se rassemblent autour de ce projet. Conscients que les Verts français ne peuvent le porter seul, pour y répondre nous appelons à la constitution d’un « Comité d’organisation du rassemblement des écologistes » qui fonctionne systématiquement sur la règle du cinquante-cinquante : moitié Verts, moitié associatifs et membres de la société civile porteurs des valeurs et des combats de l’écologie politique. Nous proposons que les Verts français s’ouvrent largement à l’occasion des prochaines élections européennes à des personnalités des Verts européens comme Daniel Cohn-Bendit, et de la mouvance associative comme Nicolas Hulot et José Bové, qui font exister - à leur manière et depuis longtemps - l’écologie dans le débat public.
Ainsi aurons-nous peut-être posé l’acte fondateur d’une nouvelle étape dans l’histoire de l’écologie politique en France. Ce serait un signe de la projection des Verts dans l’avenir comme une nouvelle force politique, celle du développement durable de l’écologie politique