A l’occasion de ses 90 ans (le 18 juillet dernier), Washington s’est engagé à retirer Nelson Mandela de la liste « terroriste » – un cadeau d’anniversaire, en quelque sorte, que le Figaro juge avec un peu d’ironie « inestimable » : au crépuscule de sa vie, Mandela va (enfin !) pouvoir voyager librement aux Etats-Unis. Jusqu’à aujourd’hui, aux yeux des services d’immigration, il restait en effet une personne sous surveillance qui ne pouvait pénétrer dans le pays (sauf pour se rendre à l’ONU) sans une autorisation expresse des autorités gouvernementales ! Il en allait de même pout les autres dirigeants du Congrès national africain (l’ANC).
Nelson Mandela a été élu premier président de l’Afrique du Sud post-apartheid il y a près de 15 ans déjà (en 1994). Il avait, l’année précédente, reçu le prix Nobel de la paix. Après la mort de son fils en 2005, victime du sida, il est devenu l’une des personnalités internationales les plus en vue dans la lutte contre l’épidémie. Quant aux dirigeants de l’ANC, principal parti au pouvoir, ils sont devenus de très honorables ministres. Rien n’y a fait : aux yeux de l’administration US, « terroriste » un jour, terroriste toujours. Au point que la procédure pour les retirer de la liste noire semble assez compliquée, des parlementaires ayant dû, pour ce faire, rédiger un projet de loi !
Mais, bien avant 1994 et leur accession au pouvoir, comment se fait-il que le nom de l’ANC, de Mandela et de ses compagnons ait été inscrit sur cette liste noire ? Ils luttaient (les armes à la main et au risque de leur vie) contre le régime honnis de l’apartheid, du racisme et de la ségrégation institutionnalisés – un régime qu’officiellement la « communauté internationale » condamnait quasi-unanimement. Un régime cependant dont les représentants n’ont pas été jugé « terroristes » par Washington. Les « combattants de la liberté », si.
Combien d’autres militants, d’hier et d’aujourd’hui, sont-ils donc listés « terroristes » aux Etats-Unis et le resteront jusqu’à leur mort, n’ayant pas la notoriété d’un Mandela ?
Pierre Rousset