Que pensez-vous de la décision de Jean-Louis Borloo ?
On se félicite que le ministre ait demandé un bilan plus global car l’incident sur le site du Tricastin montre qu’il ya eu de nombreuses erreurs faites par l’industriel puis par les autorités publiques qui n’ont pas pris de suite les bonnes mesures de précaution.
En outre, il ya sur le site une contamination radioactive inexpliquée, liée probablement à des activités militaires anciennes, ce qui souligne une fois de plus l’opacité qui entoure les sites nucléaires.
Est-ce une mesure suffisante ?
La réaction de Borloo est logique et respectable mais il ne faut pas se limiter aux seules centrales : l’incident de Tricastin le montre bien car l’incident n’est pas, common le dit , survenu sur le site de la centrale mais tout à côté, sur le site voisin de Pierrelatte, où sont traités les déchets.
Nous demandons à ce que l’analyse des nappes phréatiques et de la pollution soit élargie à tous les sites nucléaires en France : les sites de traitement des matières comme Cadarache, Marcoule ou la Hague, mais aussi les anciennes mines d’uranium comme celle de Bessines dans le Limousin, les sites militaires comme celui de Valduc), et les centres de stockage des déchets, notamment dans la Manche et à Soulaines.
Vous trouvez la décision du gouvernement « tardive » ?
Oui. On s’étonne de cette soudaine et tardive préoccupation au sujet des problèmes de pollution posés par le nucléaire que nous et d’autres associations dénonçons depuis des années, qu’elles soient accidentelles ou liées à un fonctionnement normal.
Aujourd’hui on voit des riverains du site du Tricastin qui s’alertent et s’inquiètent de consommer une eau radioactive, alors que la pollution autour de la centrale est documentée depuis des années par la Crirad. On ne peut pas dire qu’on ne savait pas !
De même, nous à Greenpeace, nous avons travaillé sur l’usine de retraitement de La Hague (Manche) et montré qu’elle est autorisée à rejeter en moyenne, chaque jour, plus de 11 000 fois ce qui a fui à Tricastin, et la dizaine de centres de stockage français fuient en permanence. La nappe phréatique située sous le centre de stockage de la Manche est donc affectée par une pollution permanente. Les mesures effectuées par Greenpeace en 2006 montrent une concentration de 18 000 becquerels/litre, soit 180 fois la norme sanitaire européenne ! Or contre mesure n’a jamais été prise, et les autorités publiques n’ont jamais réagi !
Les mesures du gouvernement vous emblent donc plus relever d’un réponse à la pression médiatique que d’une prise de conscience ?
Oui, tout à fait. D’autant que ces mesures interviennent quinze jours après que le gouvernement a annoncé la construction d’un deuxième réacteur EPR !
Il est inconcevable de prendre une décision de relancer du nucléaire alors qu’on se rend compte aujourd’hui qu’on ne maîtrise pas cette technologie et qu’on redécouvre qu’elle pollue ! Avant tout, il faut faire un bilan global des pollutions engendrées par le secteur nucléaire en France.
Que pensez-vous de la saisine du Haut Comité à la Transparence par Jean-Louis Borloo ?
Il faut attendre de voir comment cela va se mettre en place. Mais pour qu’elle soit vraiment transparente, l’expertise doit être plurielle. L’incident du Tricastin montre bien que quand les contrôles sont faits par les industriels eux-mêmes, ça ne fonctionne pas.
Nous demandons que des experts et des laboratoires indépendants comme la CRIRAD soient associés à l’enquête.