ISLAMABAD CORRESPONDANTE
Les très vives réactions du Pakistan à la mort, mardi 10 juin, de onze de ses soldats, tués par un missile américain tiré d’Afghanistan, laissent planer un doute sur l’avenir de la coopération entre les deux pays dans la « lutte contre le terrorisme ». Dans un communiqué sans précédent dans sa formulation, l’armée pakistanaise a « condamné cet acte totalement délibéré et lâche (des forces de la coalition déployées en Afghanistan) qui heurte les fondements de la coopération et les sacrifices consentis par les soldats pakistanais dans leur soutien à la guerre antiterroriste ».
Le communiqué affirme encore : « Nous (l’armée) nous réservons le droit de protéger nos citoyens et nos soldats contre toute agression. » Interrompant son discours devant le Parlement sur la présentation du budget, le premier ministre pakistanais, Youssouf Raza Gilani, a « sévèrement condamné (cette) agression » et promis de « préserver la souveraineté et la dignité du Pakistan ». L’ambassadrice des Etats-Unis, Ann Patterson, convoquée au ministère des affaires étrangères, a reçu une « ferme protestation contre un acte totalement inacceptable ».
L’armée pakistanaise et les forces de la coalition à Kaboul ont donné des versions contradictoires de ce qui s’est passé dans cette région frontalière inaccessible à la presse et disputée entre Kaboul et Islamabad. Selon le général Athar Abbas, porte-parole de l’armée pakistanaise, tout a commencé quand des soldats afghans ont tenté d’édifier un poste de contrôle sur une hauteur. Repoussés après discussions par les forces frontalières pakistanaises, les Afghans regagnaient leur pays « quand ils ont été attaqués par des insurgés dans leur propre pays » et ont fait appel à un soutien aérien. Un missile a alors détruit le poste frontière pakistanais. Les forces de la coalition expliquent, pour leur part, avoir été attaquées par des insurgés « à 200 mètres à l’intérieur du territoire afghan ». En état de « légitime défense », l’avitation n’aurait tué que des « éléments anti-afghans ».
L’incident survient alors que les relations entre l’armée pakistanaise, les forces de la coalition et l’armée afghane sont au plus bas. Islamabad a annulé dernièrement des réunions de coordination et, au grand dam de Washington, s’est retirée de plusieurs endroits des zones tribales, abandonnées aux extrémistes islamistes.
Françoise Chipaux
Le Pakistan dénonce un raid aérien américain sur son territoire
Le Pakistan a vivement condamné, mercredi 11 juin, une frappe aérienne menée par les Etats-Unis dans une zone frontalière avec l’Afghanistan, qui a tué, selon Islamabad, au moins onze soldats pakistanais. L’armée pakistanaise dénonce une « agression infondée et lâche », qui porte « atteinte à la coopération bilatérale en matière de sécurité ». Le premier ministre pakistanais, Youssouf Raza Gilani, a promis quant à lui de faire respecter « la souveraineté du pays et sa dignité ». « Nous ne permettons pas l’utilisation de notre territoire. Nous condamnons cette attaque ».
L’incident s’est produit mardi soir, à quelques kilomètres de la frontière afghane, dans une zone tribale du nord-ouest du Pakistan, supposée être, selon Washington, une des bases arrière d’Al-Qaida dans la région. L’armée américaine, qui commande les forces de la coalition qui opèrent en Afghanistan, a reconnu avoir tiré en direction du territoire pakistanais mais assuré qu’elle visait des talibans qui tentaient de s’infiltrer en Afghanistan et que l’attaque avait été coordonnée avec le Pakistan.
« AUTODÉFENSE »
A Washington, l’ambassadeur du Pakistan aux Etats-Unis, Husain Haqqani, a déclaré que son pays ne considérait pas le raid aérien américain comme un acte hostile intentionnel. Selon un porte-parole du Pentagone, qui ne confirme pas la mort des soldats pakistanais, la frappe était « légitime » et relevait de l’« autodéfense contre des forces qui avaient attaqué les forces de la coalition ». Le département d’Etat américain « regrette » de son côté l’incident.
L’incident intervient à un moment où l’Afghanistan et plusieurs pays occidentaux engagés militairement sur son territoire déplorent que le Pakistan cherche à négocier des accords locaux avec des responsables talibans pour mettre fin aux violences islamistes de son côté de la frontière. Islamabad rejette ces accusations, soulignant que le Pakistan a perdu près de mille soldats, depuis 2001, lors d’affrontements avec des activistes talibans. Les raids des forces de la coalition sur son territoire pakistanais ont fait plus de cinquante morts depuis le début de l’année.
LEMONDE.FR avec AFP, Reuters et AP | 11.06.08 | 21h00 • Mis à jour le 12.06.08 | 09h54