L’urgence birmane refait passer au second plan de l’actualité la question tibétaine. En France, nos gouvernants ne s’en plaindront pas. Le passage de la flamme olympique à Paris les avait placés en porte-à-faux ; un répit médiatique s’avère bienvenu. Sarkozy s’était senti obligé de laisser planer un doute sur « les conditions de sa participation » à la cérémonie d’ouverture des Jeux. Le propos présidentiel restait prudent : il ne parlait pas, nuance importante, de conditions mises à sa participation. Pékin n’a néanmoins pas apprécié le tumulte parisien et les apartés élyséens. Il l’a dûment fait savoir. En Chine, les industriels français se sont inquiétés des réactions nationalistes aux agitations hexagonales.
Les priorités de la diplomatie française se sont alors affichées sans fards [1]. Jean-Pierre Raffarin, ancien Premier Ministre, a été envoyé en Chine avec un message de Jacques Chirac et un cadeau pour le président Hu Jintao : une biographie du général de Gaulle dédicacée par Sarkozy. Il a violement dénoncé la nomination par Bertrand Delanoë du dalaï-lama comme citoyen d’honneur de la ville de Paris.
Nicolas Sarkozy a aussi profité du voyage de Christian Poncelet, président du Sénat, pour lui faire lire une lettre d’excuse à Jin Jing, l’escrimeuse devenue héroïne nationale depuis qu’un manifestant parisien a tenté de s’emparer de la flamme qu’elle portait sur son fauteuil roulant. Un geste « apprécié par le Peuple chinois » a noté la porte-parole du ministère des Affaires étrangères.
Une fois les excuses françaises acceptées, le gouvernement chinois s’est déclaré prêt à rencontrer des représentants du dalaï-lama. Une décision dont l’importance, pour l’heure, reste symbolique : le premier contact n’a permis aucune avancée.
La solidarité avec le peuple tibétain garde donc toute son actualité. Mais pas avec n’importe qui. Lors du passage de la flamme à Tokyo, l’extrême droite japonaise est descendue dans la rue, brandissant des drapeaux de l’époque impériale – quand les armées nipponnes ont mis la Chine à feu et à sang. Il importe que les mouvements de solidarité se désolidarisent sans ambiguïté de tels compagnonnages.