« Nous ramènerons l’Irak à l’âge de pierre ! » Colin Powell, opération Desert Storm, 1991.
17 ans plus tard, quand on regarde ce qui reste de l’Irak aujourd’hui, on mesure à quel point ses paroles étaient prophétiques. Et que ceux qui avaient bien voulus croire à toutes les balivernes racontées par les médias sur la soi-disante amélioration de la situation en Irak et des progrès accomplis lors de l’opération « Surge », cessent de s’illusionner. L’Irak s’enfonce chaque jour un peu plus dans le Chaos. 5 ans après, Bagdad, la capitale du pays survit avec au mieux deux heures d’électricité par jour et la plupart des habitants en sont réduits à acheter de la glace pour conserver un peu d’eau et de nourriture comme leurs grands-parents le faisaient il y à près 70 ans. Bagdad, naguère capitale « melting-pot » de la Mésopotamie est aujourd’hui divisée en dizaines de quartiers communautaires séparés par des murs hauts de trois mètres et fermés par des « checkpoints » et des barricades. Fallujah, qui comptait 100 000 habitants, est aujourd’hui une ville morte, détruite à 70 % et entourée de camps où chaque réfugié a vu ses données biométriques, empreintes digitales et oculaires, recueillis par les forces d’occupation. Bassora, la deuxième ville du pays est aujourd’hui aux mains de plus de 18 milices et autres gangs qui s’affrontent tous les jours pour le contrôle du marché noir du pétrole.
Et malheureusement, tout cela n’est que le décor d’un mauvais film rempli d’offensives militaires et médiatiques, d’alliances rompues aux moments où elles sont annoncées, de millions de dollars de dessous de tables et où les américains y tiennent le rôle de parrains, d’hommes de mains et de flics corrompus. Ainsi, le dernier épisode en date voit s’affronter le « gouvernement » irakien dominé par les partis chiites Dawa et SCII, leurs milices, « l’armée irakienne », les forces américaines et le mouvement chiite d’Al Sadr depuis les faubourgs d’Al Sadr city à Bagdad jusqu’à la ville de Bassora. Du point de vue irakien, il s’agit avant tout de préparer les élections provinciales qui devraient avoir lieu en octobre prochain. Jusqu’à présent, l’ensemble des provinces du Sud sont contrôlées par le SCII et le Dawa et tandis que dans la très convoitée province de Bassora, c’est le SCII et le parti Al Fadilah qui se partagent le pouvoir. Le mouvement Al Sadr qui avait boycotté ces élections, s’était retrouvé de fait hors des gouvernements provinciaux. Cependant, rien n’indique qu’il en soit de même pour les élections à venir, d’autant plus que le mouvement Al Sadr peut compter sur une popularité encore plus importante qu’en 2005 et que le bilan des partis au pouvoir dans ces provinces tient en deux mots, incompétence et corruption.
Si le mouvement Al Sadr venait à renverser l’ordre des choses dans ces provinces, le rêve d’une région autonome du Sud et son pétrole dirigé par le SCII et son faible allié, le Dawa s’envolerait d’autant plus que le mouvement Al Sadr refuse toute solution fédérale. Pour les américains, le mouvement Al Sadr, contrairement aux SCII et au Dawa, continue de s’opposer à l’occupation américaine, aux projets de bases militaires et à la privatisation du pétrole irakien, trois non de trop. En somme, les américains et leurs alliés ont décidés que le mouvement al Sadr devait être mis hors jeu afin que les élections provinciales de 2008 soient satisfaisantes pour tout le monde. Quant à l’Iran, cela reste un jeu où elle ne peut pas perdre, puisque tous ces partis sont ses alliés.
Mais le pire est reste à venir, car les Etats-Unis sont en train d’armer et de financer plusieurs centaines ou milliers de milices tribales qui doivent servir de renforts aux opérations de pacifications américaines et qui sans aucun doute ont déjà commencer à s’affronter elles aussi pour le contrôle des ressources et du territoire. Et après avoir soutenu la formation de milices confessionnelles chiites et provoqué une guerre civile confessionnelle entre chiites et sunnites, l’Empire est en train de paver la voie à des guerres tribales comme le pays n’en avait jamais connu. Ainsi, non content d’avoir détruit l’Etat irakien et ses infrastructures, d’avoir pillé ou laissé pillé ses trésors nationaux, détruit la moitié du pays et provoqué l’exil de plusieurs millions d’irakiens, communautarisé l’ensemble du pays et provoqué une guerre civile des plus atroces, les Etats-Unis sont en passe de réussir la totale désintégration d’une nation dont l’histoire remonte à plusieurs millénaires. « Natiocide », ce concept n’existe pas encore dans la juridiction internationale, pourtant c’est bien le crime que les Etats-Unis sont en train de commettre en Irak.