NEW YORK ENVOYÉE SPÉCIALE
Sous un ciel bas hérissé de grues, Benoît XVI a béni, dimanche 20 avril, le site de Ground Zero, à New York. Entouré de victimes et de proches de victimes des attentats qui ont détruit les tours du World Trade Center, le 11 septembre 2001, il a demandé à « Dieu d’apporter la paix à notre monde de violence » et de changer « le cœur et l’esprit consumés par la haine » des auteurs des attentats.
L’image du pape, recueilli sur un prie-Dieu en plein cœur du site où ont péri près de 3 000 personnes, restera l’un des moments forts de son premier voyage aux Etats-Unis, qui s’est achevé, dimanche, par une messe au Yankee Stadium, devant plus de 55 000 fidèles enthousiastes.
Cette visite fut d’abord l’occasion pour lui de traiter des affaires de pédophilie de prêtres dont la révélation continue de secouer l’Eglise américaine. Alerté par des évêques conscients de l’ampleur du traumatisme dans les paroisses, Benoît XVI a, à cinq reprises, exprimé sa « honte » et sa « compassion » et plaidé pour le « pardon », sans s’y engager personnellement. Dans un geste inédit, il a même rencontré cinq victimes d’abus sexuels.
Cette insistance a été appréciée dans le milieu catholique, même si, pour une partie des fidèles, une prochaine étape devrait s’attacher à établir les exactes responsabilités de la hiérarchie et en tirer les conséquences. Pour le Vatican, ce voyage visait à apporter un « message d’espoir dans le renouvellement de l’Eglise américaine ».
« UN OUBLI GRANDISSANT »
Benoît XVI a aussi profité de ces cinq jours passés entre Washington et New York pour faire l’éloge de la « religion civile » américaine, qui donne aux convictions religieuses toute leur place dans la sphère publique. Défenseur implacable de la liberté religieuse, il a plaidé avec force pour la nécessaire affirmation de la foi et des convictions catholiques dans l’espace public, incitant les croyants à « rejeter la fausse dichotomie entre foi et choix politique », ainsi qu’il l’a rappelé lors de son homélie au Yankee Stadium, alors que les Etats-Unis sont en pleine campagne électorale.
Plaçant la « défense de la vie » en tête des priorités de la doctrine catholique, le pape a fortement incité les fidèles à s’y engager. « Les vérités (de la foi) sont les seules à pouvoir garantir les droits et la dignité inaliénables de chaque homme, y compris des plus vulnérables de l’espèce humaine, l’enfant dans le ventre de sa mère », a-t-il insisté lors de sa dernière messe, marquant la prééminence de la « loi de Dieu » sur toute autre.
Devant les évêques américains, il avait aussi déploré le « scandale des catholiques qui promeuvent un prétendu droit à l’avortement ». Les candidats à l’investiture démocrate, Hillary Clinton et Barack Obama, sont favorables au droit d’avorter. Le candidat républicain, John McCain, est proche des mouvements « pro-vie ». La défense des droits de l’homme et de la liberté de religion avait été, enfin, au cœur du discours tenu devant l’Assemblée générale des Nations unies.
Benoît XVI, qui a fêté ses 81 ans et les trois ans de son pontificat lors de ce voyage, est aussi apparu, au fil de ses discours, habité par une vision de plus en plus désenchantée du monde actuel, marqué à ses yeux par « un oubli grandissant de Dieu », un effondrement de la culture chrétienne, une violence, un individualisme, un matérialisme et un relativisme inquiétants.
Samedi, devant plusieurs milliers de jeunes catholiques, religieux et laïcs, qui venaient de passer plusieurs heures à chanter et danser sous un soleil printanier, le pape les a saisis en évoquant sa propre jeunesse sous le « sinistre régime nazi ». « Le pouvoir de destruction est toujours là », a-t-il asséné à son public. Avant de l’inviter à placer son « espoir en Jésus-Christ », thème officiel de ce voyage.